Toutes les critiques de Jesus'son

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Il y a du Salinger dans ce charmant petit film. Quelque chose entre L'Attrape-coeur pour sa construction scénaristique risquée et Another day in paradise de Larry Clark pour sa mise en scène fièvreuse et hésitante. Une perle qu'il faut savoir goûter !
    Il s'appelle Fuckhead et il déteste cela. Mais il l'a bien cherché. Ce mec, c'est une poisse à deux pattes ! Il ne sait plus où donner de la tête. Il est complètement perdu dans ce trou paumé du middle-west. Nous sommes au début des années 70. La génération des Pacino/De Niro/Hoffmann débarque, la musique des Creedence et autres Crosby-Still-Nash & Young envahissent les ondes américaines et Nixon se serre la ceinture. Fuckhead rencontre une fille et finit par en tomber amoureux. Elle s'appelle Michelle mais rien à voir avec la perle des Beatles. Elle crache, fume, éructe et se drogue. Les deux enfants de l'envie s'aiment et décident de tout partager : les caresses, la déprime, les balades et la dope.Avant de dire deux mots du scénario, écoutons l'auteur : "Il fallait trouver une unité dans le récit et garder la structure, le monde propre, l'univers littéraire et stylistique de chacune des nouvelles (Jesus'son est un recueil de nouvelles écrites par Denis Johnson). Le challenge a donc consisté à trouver une construction scénaristique assez souple, à chercher un fil conducteur qui n'ait pas l'air trop artificiel, qui assure la continuité narrative du récit et de l'histoire".
    Maclean a utilisé deux choses primordiales pour assurer une continuité à son film : l'humour noir et la tendresse. Thèmes savamment dosés et surtout partiellement décisifs. On rit plus que l'on ne sourit aux faits et gestes de tous les personnages. Ils sont complètement délurés car ils reflètent un grave problème existentiel : Où commence le bonheur dans ce monde de contradictions ?L'aventure sentimentale est un moment clé du film car elle présente les limites psychologiques de Fuckhead : il est accro mais pas suicidaire. Il est déluré mais totalement conscient de ce qu'il fait, au contraire de son amie. La partie qui précède la rencontre avec Michelle est plus drôle car elle met en avant le monde burlesque dans lequel vit Fuckhead. Celui-ci voit son entourage ainsi et pas autrement. Maclean retranscrit ce monde, tout comme Kurosawa dans Charisma, par une vision burlesque qui consiste à filmer ses personnages tels des automates ou des possédés. Tout ceci n'est qu'un bouillonnement intérieur traduit par des actes d'une invraisemblance loufoque. Observez attentivement la séquence des urgences et vous verrez que Maclean filme son héros comme un Candide des temps modernes qui se demande constamment ce qu'il fout là.
    Fuckhead ne veut pas être un homme, il veut tout simplement que les autres changent, qu'ils s'adaptent à son caractère délicieusement naïf. C'est pourquoi, il va vivre des aventures teintées de surréalisme (les bébés lapins), d'onirisme (la jeune femme nue qui vole dans le ciel), de poésie (la femme Amish à la voix d'ange) et de compassion (les malades psychiatriques). Et toutes ces péripéties l'amèneront dans une nouvelle voie, celle que tout être humain doit suivre : l'amour.Jesus' son
    De Alison MacLean
    Avec Billy Crudup, Dennis Hopper, Jack Black
    Canada / Etats Unis, 1999, 1h51.