Toutes les critiques de I want you

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Haven est un petit port exposé aux rudes vents du nord de l'Angleterre, les habitants y sont taillés dans la pierre des falaises. Extrêmes et entiers, ils ne s'épargnent aucune brûlure, aucun penchant pour leur perversions naturelles.
    Après avoir passé neuf ans en prison pour meurtre, Martin revient chez lui. En liberté conditionnelle, il cherche à retrouver Helen avec qui il a eu une relation passionnelle avant sa condamnation. Mais Helen a grandi, elle a construit sa vie et cherche à oublier ce crime originel qui les a séparé : le meurtre de son père, le jour où celui-ci a surpris les deux amants ensemble dans la maison familiale.
    Forts de ce moment, carrefour où ont été confrontées toutes les pulsions, brisés tous les interdits, Helen et Martin s'attirent et se repoussent. Entourés de connaissances de passage - la chanteuse Smokey et son frère muet Honda – ils s'expliquent et s'exposent entre amour et obsession.I Want You est une histoire simple qui donne la primeur à l'exploration des sensations, leur mise à l'épreuve sans condamnation. Sensations de personnages écorchés vifs, blessés par une perte trop soudaine d'un foyer trop peu fondateur. C'est sans doute ce qui unit de manière sous-jacente Honda, le jeune adolescent muet, et Helen, qu'il a percuté par hasard un matin sur la plage. Intrigué par la jeune fille et sans doute un peu amoureux, il devient spectateur de la quête d'Helen et Martin, quête d'une confrontation et d'un apaisement.
    C'est parce qu'il est muet et de surcroît étranger que Honda semble inoffensif. C'est à travers son regard, curieux de l'humain qui se cache en nous, curieux de cette voix de l'autre qu'il s'approprie faute de retrouver la sienne, que le réalisateur raconte une histoire qui se contente "de mettre les éléments en place, de tout positionner pour que le drame prenne son ampleur et se déroule à mesure que l'on regarde évoluer les personnages et le dénouement".
    Ainsi laisse-t-il à ses personnages une réelle liberté scénique. Filmés à l'épaule, on les sent susceptibles de tous les mouvements brusques, dans une fraîche spontanéité qui nous touchera.
    On restera pantois devant les audaces, toutes de ruptures colorées, du directeur de la photographie – même si on peut légitimement se dire que le parfois "ça fait un peu clip".
    De même, le traitement sonore, tout en résonance des voix et des bruits qui construisent l'univers du jeune muet, l'isole par la distance d'un écho, influe sur le sens de l'image.
    Les familiers de Winterbottom retrouveront avec amusement des motifs déjà exploitées dans Butterfly Kiss : l'utilisation du piercing, le meurtre et la disparition des corps dans les coffres de voiture. A la limite de la pornographie, il montre ses personnages baisant de façon crue : Martin ne peut se défaire d'une attitude pleinement consumériste du sexe.
    C'est peut être là ce qui le condamnera.I want you
    De Michaël Winterbottom
    Avec Rachel Weisz, Alessandro Nivola, Luka Petrusic
    Etats Unis / Royaume Uni, 1998, 1H37.