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Le dernier film des Wachowski revient ce soir sur TMC.

Pour patienter jusqu'à la sortie de Matrix Resurrections, réalisé par Lana Wachowski, et en couverture du nouveau numéro de Première (n°524, décembre 2021), TMC reprogramme ce soir Jupiter : le destin de l'univers, dernier film mis en scène par la réalisatrice et sa soeur Lilly. Voici notre critique, publiée à sa sortie en 2015.

Sommaire de Première n°524 : Matrix 4, L'Evénement, The Witcher, S.O.S Fantômes : l'héritage...

Dans un New-York futuriste, Jupiter Jones est une immigrée russe qui (sur)vit en récurant des chiottes ou en vendant ses organes. Lorsqu’elle se retrouve traquée par un chasseur de prime, sa vie prend un nouveau tour. L’univers vit sous le joug d’une fratrie d’aliens qui se dispute un pouvoir absolu. Jupiter va découvrir qu’elle est en fait la réincarnation d’une princesse et que son ADN peut faire d'elle la chef de la rébellion. On avait laissé les Wachowski, petits penseurs, mais gros filmeurs, sur leur fresque démesurée, Cloud Atlas. Le post apocalyptique côtoyait le cyberpunk et l'expérimental dans un incroyable film à sketch théorique qui allait du pire (les moumoutes de Tom Hanks, le propos parfois inconsistant) au sublime (l’oraison de Sonmi et la mélancolie du segment musical). Les revoici avec une œuvre folle qui cherche clairement à redéfinir une forme moderne et hybride du space opera -  particulièrement de Star Wars. Le chasseur de prime évoque Han Solo et l’histoire d’amour entre la princesse et son body guard montrent que les Wacho regardent effrontément Lucas droit dans les yeux. Le film synthétise surtout toutes leurs obsessions. Il y est question d’une élue, d’interconnexion mystique, de mythologie révolutionnaire et, surtout, de l'affranchissement humain…

Mais Jupiter est d'abord un sublime précipité de grammaire Wachowskienne. Trip visuel d'une ambition sans équivalent, montagne russe qui alterne course-poursuite orgasmique, dialogue mystique et combat spatial éblouissant, le film ne s’arrête jamais et procure une jouissance de cinéma comme peu de blockbusters réussissent encore à le faire.

Comme d’habitude, sur le terrain de la mise en scène, ça ne ressemble à rien de connu : soap opera intergalactique à la direction artistique jusqu'auboutiste, Jupiter frise le mauvais goût (le look de Tatum, les lézards géants et les comédiens portemanteaux qui s’avoinent mollement) pour mieux toucher l'élégance et le film organise constamment son propre vertige. Toute l’intrigue repose sur l’opposition entre le trivial douteux et le shakespearien fantastique. Une Dame pipi se retrouve projetée dans un univers SF, multiplie les blagues limite avant de se faire absorber dans une tragédie classique. C’est là qu’on retrouve le sens du mash up qui est l’empreinte du tandem. Là qu'on perçoit cette audace mégalo et ado, doublée d'un formalisme visionnaire et (trop ?) profus, qui fait la force des Wachowski et derrière laquelle s’exprime un idéalisme devenu très rare au cœur du système hollywoodien. Les pirates ont encore frappé.

Bande-annonce :


Lana Wachowski : "L'idée de Cloud Atlas est d'approcher les états de conscience modifiée"