Mon petit renne
Netflix

Portée par Richard Gadd, jusqu’alors inconnu de la scène internationale, la série déchaîne les passions depuis sa diffusion sur la plateforme de streaming.

Mini-série britannique créée, scénarisée et incarnée par Richard Gadd, humoriste écossais, Mon petit renne fait beaucoup parler sur les réseaux sociaux depuis son ajout, à la mi-avril, au catalogue de Netflix. Pas de promotion, de mise en avant particulière, rien. Retour en cinq points sur ce petit phénomène, un peu sorti de nulle part, qui fascine les abonnés.

Méfiez-vous de Mon petit renne

Parce que tout le monde veut savoir à quoi correspond le “petit renne”

Beaucoup d’internautes avouent s’y être laissés prendre. “Mon petit renne” ("Baby Reindeer" en anglais) est un titre qui détonne dans la programmation Netflix de ce mois d’avril 2024. A l'entendre, on pourrait imaginer un univers bariolé, de l’animation peut-être. Des animaux colorés, qui parlent, qui chantent même. Ou encore un gros Père Noël sur son traîneau, dont les rires gras et chaleureux seraient entrecoupés des tintements d’un grelot.

Pourtant la réalité est tout autre. Mon petit renne, c’est l’histoire de Donny, wannabe humoriste, qui travaille dans un bar en attendant sa chance. Quand celle-ci arrive, ce n’est pas forcément celle qu’il espérait. C’est même tout l’inverse. Elle s’appelle Martha, et elle va lui faire vivre un enfer. Seule, malade, cette femme plus âgée s’entiche de notre trentenaire, le suit, le harcèle, et transforme sa vie en cauchemar.

Le tableau de rennes sautillants dans la neige est recouvert d’une ombre gigantesque, celle du véritable sujet de la série britannique : le harcèlement et les agressions sexuelles et morales. 

Attention, Mon petit renne est donc réservé à un public averti.

Mon petit renne
Netflix

Parce qu’elle présente des personnages nuancés, authentiques

Lui, Donny, et elle, Martha, forment un tandem inextricablement lié par les tourments d’un cycle de tortures psychologiques. Une complexité que l’on doit à une performance incroyable de leurs interprètes, Richard Gadd et Jessica Gunning, mais également à une écriture caractérielle qui refuse les archétypes et le manichéisme.

Dans Mon petit renne, rien n’est jamais tout blanc ou tout noir. Il n’y a pas d’un côté le gentil Petit Chaperon Rouge, et de l’autre le grand méchant loup (ou alors, il n’est pas incarné par Martha). Avec ses personnages, Richard Gadd nous prouve que la vie n’est pas un conte de fée. Les personnalités sont toujours texturées, en relief, jamais unidimensionnelles. Et ça change.

 

Parce que sa narration parfaite est infusée d’un humour noir maîtrisé

Richard Gadd est un humoriste assez populaire au Royaume-Uni, et surtout en Ecosse, son pays d’origine. La série est même en réalité adaptée de son spectacle de 2019, Baby Reindeer, grand gagnant d’un Olivier Award, l’une des plus prestigieuse distinctions britanniques.

Gadd a parfaitement réussi cette transition de la scène au petit écran. Les sept épisodes de trente minutes, sans titres mais numérotés de 1 à 7, s'enchaînent comme les actes d’un grand tout dont on a hâte de connaître la fin. Mieux, dans ce récit très personnel, il réussit à tenir le spectateur en haleine, moins par réaction à un suspens relatif qu’en écho aux énormités qu’il raconte. Une mécanique rendue possible par la seule présence d’un humour distanciateur sous-jacent.

En bref, un véritable exercice de style qui ne peut que rappeler le génie de Fleabag, la série créée, écrite et incarnée par Phoebe Waller-Bridge.

Mon petit renne
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Parce qu’il aborde avec sensibilité des sujets essentiels

Le harcèlement de Donny par Martha est l’occasion d’aborder des sujets plus qu’actuels : cyber-harcèlement, stalking, chantage affectif, personnalité de pervers narcissique… Autour de ce noyau, c’est tout un système de violences, des plus banalisées au plus insoutenables, que l’acteur-scénariste dénonce dans Mon petit renne : masculinité toxique, homophobie, transphobie (avec, notamment, le personnage de Teri, incarné par Nava Mau), troubles mentaux, harcèlement sexuel, agression sexuelle…

Le corps est au centre de cette narration : manipulé, désincarné, violé, drogué… A travers ces formes plus ou moins extrêmes de stigmates physiques, se pose la question suivante : après tant de pillage, un corps peut-il encore se relever ? Fonctionner ? Bien fonctionner ?
 

Parce que sa justesse repose sur son aspect profondément personnel

Une fois remis de la déloyauté (intentionnelle) du titre, certains internautes avouent avoir également été abasourdis d’apprendre que les sept épisodes de la mini-série fictionnelle racontaient un épisode, lui bien réel, de la vie de Richard Gadd.

Catharsis transformée en mise en abîme, Mon petit renne voit le comédien mettre son corps au service du récit de son propre traumatisme. Mais en parallèle, ce sont les clés de son propre esprit qu'il offre au spectateur. Avec une voix-off décortiquant les images en même temps qu’on les découvre, la série est une véritable plongée psychologique dans les états d’âme d’un individu qui utilise le scénario comme une auto-analyse rétroactive des actions de Martha, son harceleuse, mais aussi des siennes.

Réalité ou fiction ? En vérité, Mon petit renne est un melting pot de ces deux extrémités, qui refuse de choisir entre les deux faces d’une même médaille. Ni simple adaptation d’un fait divers, ni mockumentaire, la série se place dans un entre-deux presque jamais exploité, qui en fait un petit ovni du catalogue Netflix.

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