Toutes les critiques de Nos Vies Heureuses

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Quel plaisir de retrouver Jacques Maillot, sa caméra si délicate dans les mains, réalisant son premier long métrage. Beaucoup de gens avaient déjà apprécié ses deux courts-métrages, 75 centilitres de Prières, accouplés pour l'occasion d'une sortie en salle il y a trois ans de Corps Inflammables.
    Sur un scénario très personnel qu'il signe avec Eric Véniard, il a conservé cette façon de s'attacher avec amour à ses personnages, de manière à rendre importantes et particulières leurs petites histoires très quotidiennes. Les personnages principaux de Nos Vies Heureuses ne sont pas des héros (ou alors nous sommes tous des héros). C'est ce qui rend ce film si touchant : leur vie n'est pas plus heureuse que la nôtre, pas moins non plus, et chacun aspire au bonheur simple d'une vie normale. Être juste quelqu'un de bien, en harmonie avec ses convictions, comme Jean-Paul, le catholique qui ne sait trop comment vivre sa chrétienté, ou Lucas qui se sent mal dans sa peau d'hétérosexuel et finit par quitter Sylvie. Chacun peut se retrouver dans les différents questionnements de ces protagonistes.Maillot présente la vie telle qu'elle va, bien et mal, avec les doutes invivables, les déceptions, les grandes angoisses, et les premiers bonheurs, les combats aussi, ceux de jeunes gens plus si " jeunes " pas encore " vieux ", ni rangés, ni étudiants, à cet age qui incarne à lui seul l'expression "avoir son cul entre deux chaises". Ils ont tous à peu près vingt-cinq ans, et sur le point de quitter leurs carapaces.Julie, Emilie et Cécile, emménagent dans le même appartement. Trois jeunes filles, trois vies différentes plus ou moins douloureuses, qui évoluent, poursuivent leurs rencontres, leurs vies... Tandis que la seconde ne parvient pas à quitter Antoine, la première rencontre Ali alors qu'elle sort d'une pénible rupture. Pour exister ce couple devra lutter contre l'administration qui veut le renvoyer au Maroc, mais même sans papiers, Ali et Julie sont amoureux. Cécile quand à elle est seule, en admiration permanente devant une mère toujours lointaine. Accompagnée de son appareil photo, elle se confronte au monde sans s'épargner, dans une recherche impitoyable d'amour, et ramène des clichés bouleversants. Autour d'elles François, Sylvie, Lucas, Jean-Paul et les autres s'affirment de même, avec les incertitudes qui accompagnent cette métamorphose vécue de façon plus ou moins douloureuse. Liés par leurs appréhensions et leurs doutes communs, tous sont solidaires, et tous se battent pour qu'Ali reste en France.On qualifiera aisément ce film, de façon péjorative, de typiquement français, au sens où l'on y parle beaucoup. Rien n'est inutile ici, pas de bavardage, juste des histoires de gens ordinaires. Nos Vies Heureuses est un film à petit budget présenté et éreinté à Cannes l'année dernière. Pour le réalisateur, pour la majorité des acteurs, c'est la première expérience d'un long métrage. D'où peut-être cette sensation de défi, de bonheur sous-jacent, cette impression qu'on nous parle sans nous lâcher, pris sous l'attention protectrice du réalisateur qui nous indique le chemin vers une affirmation de soi sans étendard ni brocard, et c'est sans conteste ce qu'il y a de plus difficile à réaliser.Nos Vies heureuses
    De Jacques Maillot
    Avec Marie Payen, Cecile Richard, Camille Japy
    France, 1998, 2h27.