DR

Dans Grande Sœur, le troisième épisode de la saison 4 de la série policière Profilage, Michel Galabru, l’acteur des « Gendarme » campe un inquiétant tueur en série. Rencontre avec un monstre sacré…

Ce ne fut pas trop pénible d’incarner Benoît Marlin, un criminel sexuel dont le cynisme fait froid dans le dos ?Non. Car les dialogues de ce téléfilm étaient bien écrits et c’est toujours un plaisir infini de jouer un personnage servi par un bon texte. Vous savez, les tueurs pervers comme Marlin existent, hélas... Vous n’avez qu’à lire les journaux. Trente-six ans après Le Juge et l’Assassin, de Bertrand Tavernier, rôle pour lequel vous aviez reçu un César, vous renouez avec la figure du serial killer.Cela vous change de la comédie, non ?Oui. C’est d’ailleurs plus facile d’interpréter un pervers que de faire rire dans un Gendarme à Saint-Tropez. Pour un acteur, le drame est plus reposant à jouer que la comédie. Et moi, j’aime bien évoluer dans ces rôles-là, car j’ai une vraie tête de tueur, de pervers, avec mon visage inquiétant et ma peau burinée. Récemment, un bon copain m’a avoué : « Michel, tu n’as pas une tête très catholique !» (il éclate de rire).A travers votre sinistre personnage se pose le problème de la récidive.Quel est votre avis sur la question ? Peut-on laisser sortir des malades qui vont forcément recommencer et décimer des familles avec des viols et des crimes terribles ?Non ! Je suis contre la peine de mort, mais je pense qu’il faut définitivement isoler du monde ces individus nuisibles à la société. Vous passez avec la même facilité du cinéma à la télévision. Les tournages sont pourtant différents, non ?Ils sont devenus similaires, surtout avec l’avènement du numérique. Et puis les téléfilms, qui bénéficient de moyens financiers de plus en plus importants, ressemblent à s’y méprendre à des productions cinématographiques.Une scène clé du film vous montre en plein interrogatoire de police, en garde-à-vue. S’agit-il d’une expérience que vous avez vécue un jour ?Je n’ai jamais eu affaire à la police. J’ai connu pire : j’ai été interrogé par la Gestapo en 1944 et j’en suis resté marqué à jamais. Enrôlé de force en 1943 dans le STO (Service Travail Obligatoire), je me suis retrouvé dans une usine en Slovénie, alors annexée par l’Allemagne. Les résistants yougoslaves sont venus me libérer, puis nous avons été capturés, après des combats violents, par les Nazis. J’ai alors été extradé dans une prison de la SS à Trieste, au nord de l’Italie. Dans les pièces d’à côté, j’entendais les hurlements des malheureux qui étaient torturés à mort. Par chance, les Nazis ont écouté mes arguments et m’ont cru, sans me torturer...À 89 ans, vous avez tourné dans plus de 250 films et téléfilms, sans compter les milliers de représentations théâtrales. Vous n’avez jamais songé à prendre votre retraite ?Pourquoi diable voulez-vous que je prenne ma retraite, alors que je n’ai jamais eu la sensation de travailler ? Les acteurs sont des artistes qui ne travaillent pas : ils « jouent », ils s’amusent ! Alors pourquoi s’arrêter ? Tant que mon corps me portera, j’irai jouer des rôles au cinéma, au théâtre ou à la télévision...Interview Jean-Baptiste Drouet