La liste de Schindler : le sacre définitif de Steven Spielberg
UIP

France 5 diffuse un grand classique, ce soir.

Oskar Schindler, un industriel allemand, a parfaitement compris, en 1939, que l'occupation de la Pologne pouvait lui procurer de réelles occasions de s'enrichir. Il prend donc la direction d'une fabrique d'articles de cuisine, devient le fournisseur de l'armée allemande et prospère en effet. Tandis qu'il fréquente assidûment les nazis de Cracovie, dont la camaraderie est essentielle à ses affaires, il embauche, sur les conseils de son comptable, Itzhak Stern, des travailleurs juifs. Peu à peu, au contact des uns et des autres, il prend conscience de la barbarie du régime qu'il sert et de la terrible menace qui pèse sur ses ouvriers. Le collaborateur insouciant va brusquement basculer dans la résistance...

Créateur de quelques-uns des mondes imaginaires les plus féériques et iconiques de l'histoire du cinéma, Steven Spielberg est un conteur de l'Histoire avec un grand H, qui n'hésite pas à se frotter à quelques-uns des événements les plus sombres de l'histoire de l'humanité.

L'exemple le plus mémorable de tous est sans aucun doute La liste de Schindler, glaçante et poignante évocation de la vie d'Oskar Schindler, qui sauva la vie de presque 1100 juifs en leur permettant de s'enfuir du camp de concentration de Plaszow.

La liste de Schindler : le sacre définitif de Steven Spielberg
PRODUCTION / UNIVERSAL CITY STUDIOS / AMBLIN ENTERTAINMENT

Sur ce sujet hautement sensible, adapté d'un roman de Thomas Keneally paru en 1982 reprenant lui-même les confidence de Poldek Pfefferberg, sauvé par Schindler pendant la guerre, Spielberg tresse un portrait à la fois de l'humanité résistant à la barbarie et du déchaînement de cette dernière dans toute son atrocité, tout cela sans occulter la part d'ombre du personnage de Schindler, honoré du titre de Juste parmi les nations en 1967.

En développement pendant près de dix ans chez Universal, le film avait à l'époque proposé par Spielberg à Roman Polanski, qui refusa car trouvant le film trop proche de son histoire personnelle (sa mère est morte en déportation à Auschwitz). Billy Wilder, dont une partie de la famille avait également disparu au cours de l'Holocauste, fut un temps considéré comme potentiel réalisateur, alors que Martin Scorsese, rattaché au projet à la fin des années 1980, passa la main, estimant que seul un cinéaste juif pouvait raconter cette histoire.

Spielberg révèle qui aurait vraiment dû réaliser La Liste de Schindler

Après avoir refusé un temps de réaliser le film, ne s'en sentant pas capable, Spielberg se décida finalement à porter l'histoire d'Oskar Schindler à l'écran au début des années 1990 avec la poussée de mouvements négationnistes et néonazis un peu partout dans le monde. Sid Sheinberg accepta à la seule condition que Spielberg réalise avant un autre projet en cours de préparation, un certain Jurassic Park.

Du passage de Scorsese en tant que réalisateur du projet resta le scénariste Steven Zaillian, avec lequel Spielberg travailla sur le script de La liste de Schindler, passant de 115 à près de 200 pages, retravaillant le film pour en amplifier la portée émotionnelle. Convoité par quelques grandes stars hollywoodiennes de l'époque comme Warren Beatty, Kevin Costner ou Mel Gibson, le rôle d'Oskar Schindler fut finalement attribué au relativement méconnu Liam Neeson, qui avait jusqu'ici tenu essentiellement des seconds rôles (Excalibur, Mission...) ou été la star de films à petits budgets (Darkman). Pour le rôle du tortionnaire nazi Amon Göth, Ralph Fiennes prit plus d'une dizaine de kilos afin d'obtenir une apparence quasi photographiquement identique à celle du véritable Göth.

La liste de Schindler : le sacre définitif de Steven Spielberg
PRODUCTION / UNIVERSAL CITY STUDIOS / AMBLIN ENTERTAINMENT

Le tournage débute en mars 1993 avec un casting pléthorique (il y a plus de 120 rôles parlants dans le film), entouré de plusieurs milliers de figurants. Parmi eux, la plupart des soldats SS étaient incarnés par des acteurs allemands descendants d'anciens nazis, qui trouvaient dans le film un moyen d'expier leur lourde histoire familiale. Si le tournage, essentiellement situé autour de Cracovie en Pologne, s'est déroulé sur ou à proximité des véritables lieux historiques, le camp de Plaszow dût quant à lui être reconstitué en studio car le vrai camp était désormais entouré d'immeubles modernes visibles à l'écran, rendant le tournage sur place impossible.

Le résultat est un film coup de poing, au réalisme glaçant inspiré du Shoah de Claude Lanzmann, notamment pour l'emploi d'un noir et blanc intemporel, même si Spielberg s'autorise quelques plans colorisés hautement symboliques, le plus célèbre étant celui de la jeune fille au manteau rouge, incarnée par la jeune Oliwia Dąbrowska, alors âgée de trois ans, et qui écrira ses mémoires du tournage en 2002.

À sa sortie en salles, La liste de Schindler reçoit un accueil critique triomphal, même si la sensibilité du sujet a conduit à certaines polémiques critiques, la plus célèbre médiatisée restant celle lancée par Claude Lanzmann lui-même, accusant Spielberg d'avoir trivialisé l'histoire des juifs sous l'Holocauste. Le film s'avérera être un énorme succès public, rassemblant 2,7 millions de spectateurs en France et récoltant plus de 320 millions de recettes dans le monde.

En 1993, Steven Spielberg racontait dans Première la création en parallèle de Jurassic Park et La Liste de Schindler

Le film deviendra également le grand vainqueur de la saison des récompenses, réparant notamment un oubli plus que dommageable dans les palmarès. Nommé treize fois aux BAFTA, il repart avec sept prix. Nommé six fois aux Golden Globes, il est sacré à trois reprises. Mais la consécration surviendra surtout lors des Oscars où le film, nommé dix fois, sort grand gagnant de la cérémonie avec sept statuettes : meilleure photo pour Janusz Kaminski, meilleur montage, meilleure direction artistique, meilleure musique pour John Williams, meilleur scénario adapté pour Zaillian, meilleur film et meilleur réalisateur.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, La liste de Schindler fut en effet le premier Oscar du meilleur réalisateur remporté par Steven Spielberg, nommé infructueusement quatre fois auparavant pour Rencontres du troisième type, Les aventuriers de l'arche perdueE.T. l'extraterrestre et La couleur pourpre. Un sacre mérité et assez tardif pour celui qui reste l'un des cinéastes les plus adorés et influents de ces dernières décennies...


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