Quatre ans après Des hommes et des dieux, Xavier Beauvois opère un changement de registre intéressant avec cette tentative de semi comédie inspirée de l’histoire vraie de deux immigrants qui ont déterré le cercueil de Charlie Chaplin en 1977 pour demander une rançon à sa famille. Le résultat est à moitié cuit parce que, volontairement ou non, Beauvois a du mal à s’extraire de l’ambiance de sérieux et de réalisme social qui constitue son domaine habituel. Il s’en faut de peu pourtant, et il suffirait de couper une vingtaine de minutes pour trouver un équilibre harmonieux entre la peinture compassionnelle d’un groupe de déshérités que la misère rend idiots, et le récit d’une opération si maladroitement exécutée qu’elle en devient comique.Poelvoorde joue un repris de justice qui, à sa sortie de prison, est recueilli par Roschdy Zem, un immigrant qui essaie de nourrir sa fille tandis que sa femme se fait soigner à l’hôpital. Sa situation est si précaire que Zem n’hésite pas longtemps avant de se rallier au plan délirant imaginé par Poelvoorde à l’annonce de la mort de Chaplin : ils vont voler son cercueil pour demander une rançon à la famille. Pour Poelvoorde, il s’agit juste de "demander un service à un ami". Dans son esprit, l’ami c’est Chaplin, parce qu’il a toujours défendu les immigrants et les pauvres, comme eux. Poelvoorde, génie comiqueEn s’inspirant du fait divers lié à Charlie Chaplin, Beauvois a trouvé une façon de rendre hommage au cinéma, et c’est ce qui rend son film attachant. Il a pourtant un peu de mal à trouver le bon rythme à son récit, et ce n’est pas avant une bonne heure que l’humour commence à poindre, comme un peu de soleil après la pluie. Il se manifeste sous différentes formes, de la comédie légère à la farce bouffonne. Formellement, Beauvois trouve quelques idées pour honorer le cinéma muet, avec plus ou moins de bonheur. A un moment, il remplace une tirade de Poelvoorde par la musique kitsch et tonitruante de Michel Legrand, ce qui est un peu frustrant. Poelvoorde est un génie comique certifié, peut-être le seul actuellement en Europe. C’est un peu dommage de lui couper le sifflet. Heureusement, il a plusieurs occasions de briller, autant dans le registre un peu facile de la mélancolie, que lors de saillies comiques à pisser de rire.Roschdy Zem est fidèle à lui-même, toujours fiable et solide. Il a avec Nadine Labaki une scène à l’hôpital, simple mais ultra efficace, parce que l’un et l’autre sont parfaitement justes dans le ton et dans le rythme.Avec du recul, les qualités l’emportent sur les défauts. La conclusion, qui semble arriver après plusieurs fausses fins, est un plaidoyer en faveur de l’indulgence pour les maladroits. On ne peut pas imaginer plus approprié.Gérard Delorme