Haut et court / Orange Studio Cinéma / UGC Distribution / Warner bros. france

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

 

COMME DES ROIS ★★★☆☆ 
De Xabi Molia

L’essentiel
Un hymne aux éclopés de la vie, porté par Kad Merad et Kacey Mottet Klein, qui confirme la singularité du cinéma tendre et social de Xabi Molia.

Il a suffi de trois films à Xabi Molia pour réussir à imposer son amour des losers magnifiques. Dans 8 fois debout, il suivait deux précaires s’efforçant de rebondir dans un monde hostile. Dans Les conquérants, il racontait les aventures cocasses de deux demi- frères cherchant à faire cesser la malédiction d’une relique sacrée. Et dans Comme des rois, il suit les mésaventures d’un père de famille bonimenteur qui, sous la menace d’une expulsion, a plus que jamais besoin de son fils pour faire tourner sa petite entreprise d’arnaque au porte-à-porte.
Thierry Cheze

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PREMIÈRE A ADORÉ

LES ANGES PORTENT DU BLANC ★★★★☆
De Vivian Qu

Réalisatrice (Trap Street) et productrice (Black Coal) qui observe son pays sans complaisance, Vivian Qu est devenue en quelques années une figure incontournable du cinéma indépendant chinois. Avec ce nouveau film ciselé comme un diamant noir, elle réaffirme sa conception d’une mise en scène qui doit pousser le spectateur à aiguiser son regard pour mieux déceler les tragédies cachées. Ancrant le récit dans une station balnéaire à la lumière aveuglante, où deux collégiennes sont sexuellement agressées par un homme puissant, la cinéaste laisse volontairement le crime hors champ ; si l’acte délictueux échappe ainsi à notre regard, ses violentes conséquences se répandent ensuite lentement à travers la communauté de personnages tel un poison ravageur. Le sempiternel pouvoir de l’argent entrave ici la potentielle entraide entre femmes de différents âges et milieux sociaux et Les Anges portent du blanc constitue de fait un brûlot féministe universel. Mais le propos révolté convainc aussi grâce à des visions cinématographiques mémorables : au milieu d’attractions foraines et de décors enfantins se joue en effet un carnaval odieux, dont les innocentes victimes voient leur pureté souillée par un système corrompu. Et Vivian Qu d’offrir dans le dernier plan - flamboyant et limpide - toute sa mesure visuelle à cet univers qui démembre et attaque physiquement la condition féminine. La route laisse deviner de lointains modèles d’affranchissement mais la ligne de fuite demeure cruellement incertaine.
Damien Leblanc

 

 

PREMIÈRE A AIMÉ

OTAGES À ENTEBBE ★★★☆☆
De José Padilha

Très au fait des prises d'otages (Onibus 174) et des tergiversations politiques sur l'utilisation de la force (Troupe d'élite), José Padilha paraissait tout indiqué pour évoquer avec Otages à Entebbe le détournement d'un avion d'Air France en 1976 par des terroristes palestiniens, provoquant l'intervention d'un commando israélien. Surprise, on est loin de la reconstitution musclée attendue, l'assaut lui-même étant réduit à une opération éclair, entrecoupée en montage parallèle d'images de danse, dont le rythme martial s'accorde étrangement avec l'action militaire.
Gérard Delorme

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RAMPAGE – HORS DE CONTRÔLE ★★★☆☆
De Brad Peyton

Rampage est une adaptation de jeu vidéo, mais ça ne se voit pas du tout à l'écran, tant le pitch ressemble à un blockbuster-catastrophe qu'on croirait surgi des années 90. Héritier des recettes de Roland Emmerich avec ses immeubles qui s'effondrent et son soutien logistique des forces armées US (présentes à chaque plan ou presque), Rampage est infiniment plus plaisant que le ringard Geostorm grâce à ses effets visuels impressionnants, sa narration hyper dégraissée et efficace (on ne s'ennuie pas une seule seconde, tout s'enchaîne avec plaisir), et au charisme invincible de The Rock (ici primatologue ancien des forces spéciales, qui dit mieux?). Au fait, ça parle d'un super-virus tombé d'une station spatiale qui transforme un loup, un singe et un croco en bestioles aussi géantes qu'agitées.
Sylvestre Picard

DAPHNÉ ★★★☆☆
De Peter Mackie Burns

Dans trente ans, lorsqu’on se demandera « À quoi ressemblait une jeune femme moderne en 2018 ? », Daphné sera une réponse. Trentenaire fêtarde, cérébrale et rétive à toute attache sentimentale, Daphné est témoin d’une agression qui va lui faire reconsidérer son incapacité à se lier. À fendre sa carapace martelée au cynisme contemporain. Le premier long de l’Anglais Peter Mackie Burns se regarde comme une double chronique. Celle du changement moral de son héroïne, évolution à hauteur de vie, à la fois juste, profonde et tout juste visible ; et chronique de son environnement urbain, traversé autant qu’elle par une douce mutation. Car Daphné vit à Elephant & Castle, un quartier métissé du Sud de Londres, joyeux melting-pot ébranlé par la gentrification et forcé, à l’instar de Daphné, de se réinventer. La ruche londonienne et le cerveau bouillonnant du l’héroïne se répondent ; personnage et ville se reflètent comme deux instantanés croisés de la Londres actuelle et d’une fille d’aujourd’hui. Cette fille, c’est Emily Beecham, la nouvelle petite Anglaise que l’on va adorer. Rousse incandescente au visage de camé pâle, Emily Beecham contourne son propre classicisme esthétique. Elle insuffle à Daphné sa grâce mais aussi une rudesse et un bagout qui corsent habilement sa plastique évanescente. Résultat ? Jamais décodée, sa psychologie singulière est montrée telle qu’elle, brutale, expurgée d’artifice et de minauderie cinématographique. Ce qui se produit alors est suffisamment rare au cinéma pour être signalé : Daphné est une fille telle qu’on en connaît dans la vie.
Anouk Féral

CORNÉLIUS, LE MEUNIEUR HURLANT ★★★☆☆
De Yann Le Quellec

Réalisateur de deux moyens métrages remarqués (Je sens le beat qui monte en moi et Le Quepa sur la Vilni !), Yann Le Quellec orchestre pour son premier long une étonnante fable montagnarde, entre tragi-comédie dionysiaque et western hexagonal. Adaptée d’un roman du Finlandais Arto Paasilinna, l’histoire de Cornélius, meunier qui construit un moulin au sommet d’un village perdu avant que les habitants ne découvrent qu'il hurle sauvagement toutes les nuits, reprend la thématique archétypale de l’inadapté social se heurtant aux préjugés d’une communauté effrayée par la différence. Mais les intentions du cinéaste se révèlent ici autant politiques que cinéphiliques : fasciné par les genres cinématographiques qui impliquent le corps et les performances physiques, il croise séquences burlesques, passages dansés, récit sentimental et film carcéral tout en confiant le rôle-titre à Bonaventure Gacon, artiste venu du cirque dont le jeu exubérant rappelle le jeune Gérard Depardieu. La romance avec la fille du maire (incarnée par l’étincelante Anaïs Demoustier) vise à apaiser les tourments de ce héros aux émotions démesurées mais crée aussi un rythme parfois discontinu et hésitant. Malgré des choix esthétiques un tantinet systématiques (comme le recours à d’oniriques nuits américaines), la photo soigneusement colorée épouse la déroutante liberté de ce Don Quichotte au grand cœur qui lutte contre la fatalité. Et Yann Le Quellec de réussir une rencontre fantasmée entre Gotlib et Sam Peckinpah au cœur du Larzac.
Damien Leblanc

TAKARA, LA NUIT OÙ J’AI NAGÉ ★★★☆☆
De Damien Manivel et Kohei Igarashi

Dans un coin enneigé du Japon, un garçonnet qui ne voit jamais son père (ce dernier, poissonnier, part aux aurores et revient quand son fils dort) décide un jour de faire l'école buissonnière pour lui apporter un dessin. A partir de cette idée toute simple, le tandem Manivel-Igarashi brode un film d’errance à hauteur d’enfant, héritier du Petit Fugitif et des Quatre cent coups. C'est très minimaliste : absence de dialogue, plans fixes, intrigue épurée au maximum. Le temps se dilate, parait parfois un peu long. Mais, pour peu qu’on accepte ce rythme, s’offre alors à nous une micro-odyssée stimulante, sensitive, truffée d’astuces de mise en scène (flashback intégré au récit, ellipses visuelles et sonores pour tenir le pari du zéro mot audible pendant 1h18), à la fois cocasse et mélancolique.
Eric Vernay

LA RÉVOLUTION SILENCIEUSE ★★★☆☆
De Lars Kraume

Un silence vaut-il mieux qu’un long discours? Voilà un sujet d’épreuve du bac de philo auquel le roman autobiographique de Dietrich Gartska pourrait répondre. La révolution silencieuse de Lars Kraume, qui en est l’adaptation, s’intéresse à une classe de futurs bacheliers est-allemands qui en 1956, alors que la Hongrie entame sa révolution contre l’occupant soviétique, décide de montrer son soutien aux insurgés par deux minutes de silence en début de cours. Deux toutes petites minutes aux conséquences dantesques. Un défi à l’autorité porté par une jeunesse tiraillée entre la douleur d’un passé récent trop lourd à porter et la soif d’un avenir scindé en deux par un mur à la fois physique et mental. Malgré une mise en scène un peu pauvre, citant allègrement, parfois jusqu’à la copie conforme, Le cercle des poètes disparus de Peter Weir, La révolution silencieuse, aidé d’un casting de jeunes têtes germaniques particulièrement enthousiasmant, vient interroger la part d’humanité dans l’espace politique. Kraume tire d’abord le portrait d’une société soviétique dont les mécanismes d’oppression font écho à ceux d’un autre régime totalitaire, le nazisme, dont la population allemande venait à peine de se défaire. Et à travers cette jeunesse en ébullition, il observe à la fois les traumas causés par ces dictatures successives mais aussi la renaissance de l’espoir à travers la découverte du libre arbitre par ces jeunes héros. O Capitaine ! Entends ce silence à l’écho assourdissant !
Perrine Quennesson

NOUS SOMMES L’HUMANITÉ ★★★☆☆
D’Alexandre Dereims

Les îles Andaman, petit archipel perdu au milieu de l’Océan Indien, ont une particularité unique : elles abritent deux des tribus primitives les plus anciennes au monde, les Sentinelles et les Jarawas, venues d’Afrique il y a des milliers d’années. C’est à ces derniers que s’intéresse le documentaire d’Alexandre Dereims qui les a filmés pendant quatre ans, à la fois pour rendre compte de leur existence (connue mais invisible jusqu’alors) et pour alerter l’opinion sur le danger qu’ils encourent : l’Inde (à laquelle les îles Andaman appartiennent) aimerait en effet intégrer de force les Jarawas pour exploiter les terres vierges sur lesquelles ils vivent depuis toujours. Ce documentaire a donc à la fois une valeur anthropologique et politique mais se distingue surtout par la force de son immersion et la poésie de ses images : les plans larges, magnifiquement composés, retranscrivent le caractère édénique de ce lieu retiré, où les plages interminables longent une forêt luxuriante qui fournit en abondance leur nourriture aux Jarawas, des êtres touchants de simplicité, toujours souriants, heureux de vivre et d’aimer. Oui, mais voilà. La proximité de la civilisation menace ce paradis. Les braconniers, notamment, tuent en masse les cochons sauvages dont les Jarawas raffolent, poussant ces derniers à chasser le daim que “les femmes n’aiment pas manger”. “On ne veut rien à voir avec votre monde” dit calmement, face caméra, un Jarawa. On les comprend et on les envierait presque.
Christophe Narbonne

HOTEL SALVATION ★★★☆☆
De Shubhashish Bhutiani

Daya, un vieil homme, sent que son heure est venue et souhaite se rendre à Varanasi (Bénarès), au bord du Gange, dans l’espoir d’y mourir et d’y trouver son salut. Pour son premier long-métrage, Shubhashish Bhutiani signe une jolie dramédie (la mort est une fête et il est agréable de se souvenir des défunts), portée par un casting juste et de somptueux plans colorés des bords du Gange. Le film comporte néanmoins des retournements de situations incongrus et des longueurs dont on se passerait volontiers à partir de la deuxième moitié du film.
Alexandre Bernard

 

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

ACTION OU VÉRITÉ ★☆☆☆☆
De Jeff Wadlow

Seuls Olivia et ses potes ne l'ont pas vu venir. Quoi ? Une terrible malédiction qui frappe la bande de joyeux drilles après un Spring Break mexicain : dire la vérité à leurs proches ou mourir dans d'atroces souffrances. Pas sûr qu'ils y survivent... Et nous non plus. Rarement un slasher se sera montré aussi pantouflard et bâclé, version low-cost de Destination Finale tellement médiocre qu'elle en devient au mieux risible, au pire agaçante. Faute de parcours ou trip fantasque assumé ? Blumhouse nous avait habitué à mieux que ce soit avec l'horreur minimaliste de ses débuts ou à son firmament en 2017 avec les rouleaux compresseurs Split et Get Out. On attend impatiemment le prochain autour, qui sait, d'une partie de Uno ou du jeu de la bouteille. Succès garanti dans les cours de récré.
François Rieux

 

 

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