Donnie Darko
Studiocanal

Joyeux anniversaire Donnie ! Le film de Richard Kelly est sorti il y a tout juste 20 ans en France.

Il y a tout juste un an, Jake Gyllenhaal fêtait le 20e anniversaire de  Donnie Darko, avec ces mots : "Joyeux 20e anniversaire, Donnie ! Continue à rendre le public confus." Si le film de Richard Kelly a fait sensation lors de sa première projection au festival de Sundance (il a notamment tapé dans l'oeil de Christopher Nolan, qui a ensuite aidé à le distribuer), il a fallu attendre octobre pour qu'il sorte aux Etats-Unis... et fasse un flop. Sur les écrans peu après le drame du 11 septembre 2001, cette histoire d'ado dépressif qui prédit la fin du monde à base de réacteur d'avion s'écrasant dans sa maison a été boudé à sa sortie, en récoltant seulement 1,5 millions de dollars aux Etats-Unis, mais il s'est largement rattrapé par la suite. En France, il est arrivé dans les salles le 30 janvier 2002, où il a attiré seulement 73 000 curieux. C'est ensuite en DVD qu'il a trouvé son public, gagnant peu à peu le statut de film culte. 

Comment Christopher Nolan a aidé Donnie Darko à sortir au cinéma

Voici la critique de Donnie Darko, suivie d'une interview de son créateur, initialement publiées dans Première en janvier 2002.

Donnie Darko est un premier film dont la force inhabituelle vient de l’atmosphère qu’il installe durablement autour de son personnage principal, un adolescent sur la pente dure d’une psychose programmée. Le récit emprunte davantage à l’étude psychologique qu’au fantastique. Un peu à la manière d’Ouvre les yeux, il confronte fantasmes et réalité, et sa façon de jouer avec diverses vitesses de temps invite à revoir le film, au risque de s’égarer parfois dans des digressions hasardeuses. Le climax, qui a lieu le soir d’Halloween, justifie le démon costumé qui hante le personnage principal et lui inspire des actes regrettables.

La toile de fond (la campagne présidentielle de 1988) a l’importance qu’on lui prête: l’influence de Reagan n’a qu’une incidence anecdotique sur certains personnages. Parmi ceux-ci, Patrick Swayze est incroyable dans un rôle fortement inspiré de celui de Tom Cruise dans Magnolia. Incidemment, l’époque permet de passer une très élégante playlist de classiques new wave des années 80, qui ajoute au charme étrange du film.

Donnie Darko
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Précoce Kelly 

26 ans, Richard Kelly a réalisé Donnie Darko, son premier long, pour 4,5 millions de dollars. En 28 jours.

Né à Richmond (Virginie) dans une banlieue qui ressemble à celle de Donnie Darko, Richard Kelly a grandi en regardant les films de Steven Spielberg, Robert Zemeckis et James Cameron. Touché très tôt par la vocation, il est parti à Los Angeles pour étudier le cinéma à l’USC (University of Southern California).

PREMIÈRE / L’image d’un moteur d’avion qui s’écrase sur une maison, ce n’est pas risqué après le 11 septembre ?
Non. Le film a été perçu différemment après le 11 septembre, d’une façon plus profane. Mais je crois que c’est le cas de tout film qui traite d’émotions profondes, de religion, de destin ou de fatalité. Le film est né de cette idée d’un réacteur qui tombe de nulle part. De là, le conte sur le passage à l’âge adulte.

Entre le paradoxe temporel et le portrait psychologique, comment faut-il interpréter le film ?
C’est une fable très linéaire, l’histoire de la formation de deux mondes parallèles, dont l’un va s’effondrer en vingt-huit jours. Avec ces paramètres, la seule façon pour le personnage de revenir au monde originel où il se sentait sain et sauf, c’est de briser le paradoxe et de laisser faire le continuum de l’espace-temps. La fin en impasse est la clé de ce mystère.

Quelle importance accordez-vous à l’atmosphère?
Il était indispensable d’établir une atmosphère qui fasse le lien entre les différents genres: la SF, la comédie, l’horreur, le drame. Visuellement, on a confronté l’esthétique BD d’une banlieue idéalisée dans sa phase de déclin avec l’esthétique plus surréaliste créée par les effets spéciaux.

Pourquoi avez-vous situé l’histoire à la fin des années 80 ?
Le film n’est pas nostalgique, il regarde en arrière à la fin d’une décennie définie par l’avidité, l’extravagance, la psychologie de bazar, la médicalisation des enfants. C’est un environnement propice pour précipiter l’instabilité du personnage principal.

Comment avez-vous vécu cette époque?
J’avais 13 ans, j’étais donc plus jeune que Donnie Darko. Je me souviens d’une période très tranquille. Mais il y avait dans l’air le sentiment d’assister au crépuscule des années Reagan. On entrait dans les années 90. Le calme avant l’orage, qu’on sent en fin de décennie.

C’est parce qu’il est marqué par cette époque que vous avez fait appel à Patrick Swayze ?
Patrick est une icone des années 80. Quand on lui a proposé le rôle [celui d’un prédicateur bidon], il n’a pas hésité une seconde à casser son image. Ça en dit long sur son sens de l’humour et sa volonté de prendre des risques.

L’influence de Magnolia ? J’ai écrit le script de Donnie Darko avant d’avoir vu Magnolia, mais je ne peux pas nier l’influence majeure qu’il a exercée sur moi. À mon avis, c’est un des films les plus importants des années 90. La dextérité avec laquelle Paul Thomas Anderson raconte une histoire aussi épique avec des moments aussi intimes est monumentale.


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