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Le Festival de Cannes a offert un beau pot de départ à Steven Soderbergh dont la vie de cinéaste finit là où elle a commencé (en 1989, avec Sexe, Mensonges et Vidéo) : sur la Croisette. Si, techniquement parlant, Ma vie avec Liberace est un téléfilm HBO (il ne sortira pas en salles aux Etats-Unis), c’est avant tout un pur film de Soderbergh, hanté par la grande question qui parcourt son œuvre entière, à savoir la dissimulation. Tous les personnages, chez lui, cachent quelque chose. Liberace, pianiste populaire queer pour vieilles dames, tait son homosexualité, son âge et ses aventures ; son jeune amant, Scott, n’assume pas totalement la vie qu’il mène ; l’entourage de Liberace le préserve du monde extérieur pour qu’il puisse s’ébattre follement… Quand les masques tombent et que la lumière se rallume, Soderbergh montre alors, dans toute sa crudité et sa cruauté, les ravages du mensonge, manifestés par des liftings meurtriers, des addictions coupables et un dégoût de soi incommensurable. Le cinéaste pêche juste par excès de prudence s’agissant du caractère incestueux et frankensteinien, potentiellement explosif, de la relation entre les deux hommes.Formellement, Ma vie avec Liberace ne déroge également pas à la charte graphique maison : filtres jaunes, lents mouvements de caméra qui caressent ou emprisonnent les personnages, décors parlants (kitsch au possible, en l’occurrence). C’est un film de fétichiste où chaque objet, chaque accessoire, chaque costume est à sa place. Dans leurs tenues extravagantes, brillantes et ridicules, sous leurs postiches faciales les rendant éternellement jeunes, les acteurs livrent des performances incroyables. Michael Douglas est prodigieux de miel et de fiel en Liberace, personnage surfabriqué derrière lequel se cache – encore - un homme infiniment seul. Matt Damon lui tient la dragée haute dans le rôle de Scott, le témoin malmené de l’histoire à travers lequel s’identifie le spectateur. Solide biopic, élégant et assez bouleversant (sur la fin, surtout), Ma vie avec Liberace est un joli bouquet final.Christophe NarbonneMa vie avec Liberace, de Steven Soderbergh, avec Michael Douglas, Matt Damon, Rob Lowe, est présenté en compétition à Cannes. Sortie en salles le 18 septembre.