Cannes 2018 Thierry Frémaux et Pierre Lescure
Abaca

L’un des fondateurs de Wild Bunch prend la défense du festival.

Dans une longue interview accordée à nos confrères du Film Français, Vincent Maraval assure que le Festival de Cannes (vivement attaqué cette année, notamment par la presse anglo-saxonne) se porte comme un charme. Le co-fondateur de Wild Bunch, reparti cette année avec la Palme d’or pour Une Affaire de famille de Kore-eda, s’étonne : « Cannes en perte d’influence? C’est le contraire. Ces réactions sont celles d’un monde qui disparaît et refuse sa propre mort. Le cinéma est en mutation profonde. Le cinéma américain indépendant est devenu la propriété des plateformes de streaming. à quelques exceptions près, la distribution indépendante traditionnelle ne s’intéresse plus aux auteurs et les films de Sundance ne marchent plus ailleurs », assure-t-il. Et d’assurer que « le problème de Variety ou d’Hollywood Reporter, qui prédisent la fin de Cannes depuis que je suis dans cette profession (30 ans!), c’est que seul le ­marché américain les intéresse. Ils couvrent donc Cannes du seul point de vue américain et la presse française leur emboîte le pas ».

Selon lui, « aujourd’hui, le 7e art se joue en Asie et Cannes a acté cela depuis longtemps à travers des Jia Zhangke, ­Apichatpong Weerasethakul ou Hirokazu Kore-Eda, mais aussi avec le cinéma de genre coréen ou la jeune génération asiatique, qui est maintenant celle de Bi Gan ».

Cannes 2018 : selfies interdits, absence de Netflix… Les réponses du festival

Concernant l’affaire Netflix (qui n’a pas souhaité présenter de films cette année car la plateforme ne pouvait pas être en compétition, faute de sorties en salles), Vincent Maraval estime que le « débat a été lancé » l’année dernière, avec l’invitation du géant du streaming. Mais depuis, « le conseil d’administration, dominé par les exploitants, les a mis à la porte. Où étaient les exploitants cette année quand Cannes, à leur demande, s’est opposé à Netflix et a été matraqué pour ça? Les journaux ­préfèrent donner la parole à Gilles Jacob qui a eu à l’égard du Festival une attitude agressive indigne d’un ancien président ».

Il résume ainsi le « problème de Cannes » : «Faire face à des réactions corporatistes ou nationalistes, les journalistes vexés de voir les films après la première, les Français qui dézinguent ceux choisis à leur place, les Américains qui ne pensent qu’à eux-mêmes ».

Concernant la sélection, qui a cette année fait place à de nombreux nouveaux noms, il estime que « rien n’est jamais trop radical (…) Cannes aime la découverte. Je comprends ce rajeunissement, il correspond à un désir qu’il fallait ­anticiper. La bouffée d’air frais de cette année est salutaire, en plus les films étaient au niveau (…) Franchement, Thierry ­Frémaux et Christian Jeune n’ont pas raté leur coup ».

Enfin, le coût du Festival pour les professionnels est évoqué par le Film Français, et Vincent Maraval assure que ce n’est « pas la faute du Festival. Le problème de cette ville, c’est que les prix sont excessifs, les installations ne sont plus au niveau, Berlin ou Toronto sont loin devant. On s’y sent moins bien qu’avant, l’hostilité ambiante vient aussi de là (…) Le Festival tente, anime, comme pour les master classes ou les projections en plein air, ou Nolan pour présenter 2001. Wild Bunch était célèbre pour organiser de belles fêtes. Cette tradition a été tuée, à force de contraintes et d’interdictions. Cette année, La Croisette ressemblait à une ville fermée. Les badauds, les touristes et les familles ne viennent plus. Je comprends les mesures de sécurité, mais que l’on n’en rejette pas la faute sur la manifestation ».

Et de conclure sur le « couple Lescure-Frémaux », qui « fonctionne » et « réfléchit à l’avenir. Cannes ne doit être l’otage de personne. Le plus grand festival du monde doit regarder le monde. Son conseil d’administration devrait être internationalisé et œuvrer pour le Festival, au lieu de défendre des intêrets français. Cannes ne doit jamais arrêter de changer ».