Petit hommage au comédien à l'honneur d'un documentaire sur Arte.
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Petit hommage au comédien à l'honneur d'un documentaire sur Arte.

A l'occasion de la diffusion de Phanthom Thread, de Paul Thomas Anderson, ce dimanche, Arte met en ligne un documentaire inédit consacré à Daniel Day-Lewis, qui sera disponible jusqu'à la mi-décembre. Daniel Day-Lewis : l'héritier revient à l'aide de nombreuses archives sur la drôle de carrière du comédien célèbre pour se fondre complètement dans ses personnages. Grâce à ses choix audacieux, l'acteur a brillé d'emblée au cinéma, et est aujourd'hui le seul comédien à avoir reçu trois Oscars du meilleur acteur au cours de sa carrière (pour My Left Foot, There Will Be Blood et Lincoln). Pourtant, celle-ci a aussi été entrecoupée de longues pauses pour se ressourcer entre deux incarnations mémorables. Le docu insiste aussi sur ses rapports compliqués avec son père, le poète Cecil Day-Lewis, qui l'a poussé vers plusieurs oeuvres évoquant le sujet des relations père-fils, notamment Au nom du père, de Jim Sherridan, sorti en 1993. Un excellent complément à cet article consacré aux faits les plus étonnants concernant Daniel Day-Lewis, que nous avions initialement publié en juin 2017, quand il avait annoncé vouloir prendre sa retraite. Effectivement, depuis la sortie de Phantom Thread, il n'a plus rien tourné.

Comment Phantom Thread est devenu un petit phénomène pop

Vous connaissez les Chuck Norris Facts ? De faux actes de bravoure sont assimilés au comédien, et ils font le bonheur des internautes (un petit exemple : "Chuck Norris a déjà compté jusqu'à l'infini. Deux fois."). Des petits malins se sont amusés à étendre ce type d'humour à d'autres personnalités comme Zlatan Ibrahimovic et Daniel Day-Lewis. Ce dernier est tellement connu pour se plonger pleinement dans ses rôles qu'il est très facile de lui inventer des prouesses du type "19 tueurs en série présumés ont été tués et démembrés pendant une période de trois semaines correspondant au moment de l'audition de Daniel Day-Lewis pour le rôle de Dexter sur Showtime." Ou "Daniel Day-Lewis est si souvent plongé dans son personnage qu'il n'est disponible pour les interviews que deux jours tous les cinq ans." 

Voici quelques vrais éléments piochés dans la bio et la filmo du comédien britannique. Car si les faux actes de bravoure qui lui sont attachés sont hilarants, l'homme mériterait un site dédié à ses VERITABLES Daniel Day-Lewis Facts

64. C'est l'âge que Daniel Day-Lewis partage avec Véronique Genest, Caroline de Monaco, Spike Lee et Gaston Lagaffe. Coïncidence ? Absolument.

9 ans. C'est la durée la plus longue vécue par Day-Lewis sans nominations aux Oscars. Très exactement entre 1993 (Au nom du père) et 2002 (Gangs of New York). Il faut dire que sur cette longue période, on ne l'a vu que dans deux filmsLa chasse au sorcières et The Boxer.

Daniel Day-Lewis : "J’aime trop la vie pour enchaîner les projets non-stop"

Eminem. C'est en écoutant ses morceaux que le comédien parvenait à se mettre dans un état de colère extrême sur le tournage de Gangs of New York, de Martin Scorsese.

Plein le dos. C'est sans doute l'illustration la plus connue de sa méthode de travail : pour incarner le poète irlandais Christy Brown, qui était infirme, dans My left Foot, D. Day-Lewis ne voulait pas quitter le personnage durant le tournage. Il a passé des mois en fauteuil roulant et il demandait aux techniciens de le soulever jusqu'au plateau ou de le nourrir à la petite cuiller. A force de rester vouté, il s'est cassé deux côtes et souffre aujourd'hui encore de problèmes de dos...

Poème. Sa venue au monde a été accueillie par un poème de son père, Cecil Day-Lewis :
"Bienvenue au monde, mon enfant !
Sonnent les cloches de joie de la floraison. 
Nous, parents usés par le temps, renaissons.
En ce printemps enchanté,
Comme si l'humanité recommençait.
Une fois encore avec toi,
C'est ta naissance et notre gratitude.
(...)
Et l'esprit commencera à se nourrir d'espoir, à apprendre comment la vérité souffle le froid et trahit l'amour."
Le Monde rapportait en 2008 la réaction de l'acteur à propos de cet accueil hors du commun : "C’est merveilleux de recevoir un poème comme cadeau de naissance, disait-il, désabusé, avec son accent irlandais, soupesant chaque mot. Mais je venais à peine au monde qu’on me parlait de trahison".

Record. Il a obtenu l'Oscar pour Lincoln, ce qui fait de lui le premier comédien à avoir obtenu trois statuettes du meilleur acteur. Il était déjà le premier non Américain à avoir reçu deux fois ce prix, pour My Left Foot et There Will Be Blood.

Daniel Day-Lewis aux Oscars : et dire qu’il avait d'abord refusé d’incarner Lincoln…

Prison. L'un des exemples les plus frappants de ses "transformations" pour un rôle remonte à 1992, sur le tournage d'Au Nom du Père. Pour se glisser dans la peau d'un homme accusé à tort d'être un terroriste de l'IRA, il a perdu pas mal de kilos, demandé à être enfermé plusieurs jours en cellule et a voulu subir un "interrogatoire musclé", où des techniciens du plateau ont dû l'insulter et lui jeter des seaux d'eau glacée.

Aragorn. Ce rôle a considérablement changé la vie de Viggo Mortensen et il peut remercier Day-Lewis : ce dernier a refusé de l'incarner au cinéma, malgré l'insistance de Peter Jackson.

Pro ou anti-Lincoln ? Avant de jouer le 16ème président des Etats-Unis, il incarnait dans Gangs of New York un boucher s'opposant violemment à la politique de ce dernier.

Ironie. Tom Hanks lui a "volé" un Oscar. Il devait jouer dans Philadelphia, mais a refusé à cause d’Au nom du père. Il a été nommé pour ce drame, mais c’est Hanks qui a reçu la statuette pour Philadelphia.

Trop européen. Le comédien aurait pu jouer Jésus dans La Passion du Christ, mais Mel Gibson l'aurait trouvé "trop européen pour le rôle" et a fini par choisir l'Américain Jim Caviezel.

Voix. C'est souvent par la voix que Daniel Day-Lewis "trouve" ses personnages. Pour There Will Be Blood, il s'était enregistré en train de tester différentes façons de parler et Steven Spielberg expliquait à Première que pour Lincoln, le comédien lui avait également envoyé un discours : "Je peux raconter une anecdote ? Un jour, au bureau, j’ai reçu un colis envoyé par Daniel depuis l’Irlande. À l’intérieur, il y avait un Dictaphone analogique – je ne savais même pas que ce genre de truc antique pouvait encore fonctionner. Bref, j’appuie sur « Play »... Daniel avait enregistré un discours de Lincoln et j’ai ressenti exactement la même chose que vous devant le film : j’étais persuadé que le président en personne s’adressait à moi. J’étais très heureux car je savais qu’on venait de faire un grand pas en avant. Day-Lewis :  Voilà la seule parcelle de vérité que je peux vous offrir sur ma « méthode » : une fois que j’ai bien fait mon travail de préparation, de fondation, je commence à entendre une voix, que je tente alors de reproduire. (Silence.) Vous voyez, on en revient toujours au même problème quand je parle concrètement de mon travail. Soit je le démystifie, soit je le « surmystifie ». Démystifier ne me paraît pas être une bonne chose. Quant à « surmystifier »... Bah, ça me fait juste passer pour un connard prétentieux !"

Steven Spielberg : "Notre méthode ? C'est de l'art, pas de la science !"

Voix (bis). Comme il l'évoque dans cette interview, Day-Lewis entend des voix. Parfois celle de son futur personnage, et parfois des voix plus troublantes, comme celle de son père, en pleine représentation d'Hamlet, sur scène. Lors du fameux passage où l'aïeul du héros lui apparait en fantôme, l'acteur a cru que Cecil Day-Lewis lui parlait vraiment. Il a couru dans les coulisses. C'était en 1989 et il n'est jamais retourné sur scène, depuis.

Choc. La perte de son père a visiblement été un choc pour Day-Lewis. Celui-ci a disparu alors qu'il n'avait que quinze ans et Daniel a été interné en hôpital psychiatrique peu de temps après, suite à une overdose médicamenteuse.

Passé inaperçu. C'est assez ironique, maintenant que Daniel Day-Lewis est considéré comme un excellent acteur, mais pour sa première apparition au cinéma, il n'a même pas été crédité ! C'était dans Sunday Bloody Sunday de John Schlesinger (pas celui de Paul Greengrass, ce film date de 1971). Il avait 14 ans et jouait un "enfant vandale". Une expérience "divine", a-t-il expliqué des années plus tard : il a adoré toucher 2 livres pour vandaliser des voitures de luxe garées devant l’église locale.

M. Le Président. Lors du tournage de Lincoln, Day-Lewis voulait être plongé un maximum dans son personnage. Steven Spielberg portait donc un costume d’époque, et donnait du "M. Le Président" à son comédien. Il appelait également Sally Field "Miss Lincoln", et lui envoyait... des textos.

Quand Daniel Day-Lewis envoyait des SMS à Sally Field dans la peau d'Abraham Lincoln

Pulp Fiction. Oui, Daniel Day-Lewis a failli jouer dans Pulp Fiction. C'était en tout cas le souhait du producteur Harvey Weinstein lorsque la production du film a été lancée. A la base, Michael Madsen, qui avait joué Vic Vega dans Reservoir Dogs, devait incarner Vincent dans cette autre réalisation de Quentin Tarantino. Il a refusé pour aller tourner Wyatt Earp, et c'est là que Day-Lewis a été approché. Mais QT avait déjà John Travolta en tête pour le rôle et les négociations ont coupé court.

Bois. Avant d’être acteur, il a voulu être ébéniste, mais n’a pas été accepté par l’école où il voulait faire son apprentissage. Il y reviendra vers 97, au cours d’un déménagement en Italie. Il s’y forme également au métier de cordonnier et ne met plus les pieds sur un plateau de cinéma durant 5 ans (il reviendra pour le Scorsese, Gangs of New York).

Tomahawk. C'est un joli mot. Day-Lewis sait se servir de l'objet comme personne. Toujours en préparation d'un tournage (Le Dernier des Mohicans, cette fois), il s'est isolé dans la forêt pour apprendre à chasser et pêcher seul, dépecer les animaux, construire des canoés et donc se battre avec des tomahawks. Il sait également depuis ce film comment charger un pistolet à poudre en pleine course. On sait jamais, ça peut servir...

Bide. Malgré sa notoriété, l'acteur a aussi essuyé quelques bides. Le plus frappant est The Ballad of Jack and Rose, réalisé par sa compagne Rebecca Miller. Le film a rapporté moins d'1 million de dollars dans le monde mais Day-Lewis en est extrêmement fier. Lors de ce tournage aussi, il était totalement plongé dans son personnage et avait demandé à Rebecca qu'ils ne logent pas au même endroit.

Disparition. En pleine préparation du Temps de l'innocence, ses collègues ont cru qu'il avait disparu. Après s'être baladé plusieurs jours dans New York en costume des années 1870, arborant canne et chapeau haut-de-forme, il s'est isolé dans un hôtel dont l'architecture rappelait cette époque. Lorsque les producteurs l'ont cherché sur place, le personnel de l'hôtel jurait que personne n'y avait croisé Daniel Day-Lewis. Il s'est avéré qu'il avait été enregistré sous un faux nom, Newland Archer. Vous l'aurez deviné, il s'agit de celui de son personnage dans le film.

Lettre de refus. Et dire que Day-Lewis a mis des années à accepter d'incarner Lincoln ! Vous pouvez lire ici sa lettre de refus à Steven Spielberg. C'est Leonardo DiCaprio, son partenaire dans Gangs... qui l'aurait décidé à lire le scénario avant d'opposer au réalisateur un "Non" définitif.

Daniel Day-Lewis joue Barack Obama pour Steven Spielberg

Et si... ? En parlant de refus, Day-Lewis avait été approché pour les rôles principaux du Patient anglais et de La Liste de Schindler. Ainsi que pour incarner Jor-El dans Man of Steel, mais il a dit non. On peut tout de même essayer de l'imaginer quelques instants à la place de Ralph Fiennes, Liam Neeson ou Russell Crowe. Après tout, une filmographie se définit aussi par des refus.

Tchèque. Parfois, son professionnalisme mène à des situations rocambolesques. Il a par exemple pris des cours de Tchèque pendant plus de 8 mois pour le tournage de L'insoutenable légèreté de l'être... alors que le film était tourné en anglais ! Il voulait en fait maîtriser parfaitement l'accent.

Merci de Niro. Si Day-Lewis a plusieurs modèles (Marlon Brando, Michel Simon...), celui qu'il cite le plus souvent est Robert De Niro, qui l'a absolument bluffé dans Taxi Driver. Le film est sorti en 1976 et Daniel s'est véritablement lancé dans le cinéma au début des années 80. Ironie du sort, ils ont été en concurrence pour un rôle, sans surprise chez Martin Sorsese : de Niro avait été approché pour jouer Bill Le Boucher dans Gangs of New York, mais n'a pas pu participer. C'est seulement après ce départ que Day-Lewis a eu sa chance.

Elodie Bardinet (@Eb_prem)

P.T. Anderson : “La retraite de Daniel Day-Lewis ? Je préfère ne pas y penser”