Twelve Minutes
Annapurna Interactive

La maison fétiche du cinéma indé américain est en panne sèche. Sa branche jeu vidéo elle, file pied au plancher. Nouvel exemple avec le très bon Twelve Minutes.

Que reste-t-il d’Annapurna Pictures ? Fondée en 2011 par Megan Ellison, fille du milliardaire Larry Ellison, la société de production se donnait pour objectif de « créer des films sophistiqués et de grande qualité, qui seraient jugés trop risqués par les studios hollywoodiens contemporains ». La promesse d’un petit coin de paradis pour réalisateurs indés aux projets a priori infinançables. Suivront quelques chefs-d’oeuvre (The Master, Zero Dark Thirty, Her…) mais en 2019, la machine à cool s’enraye : la mécéne la plus branchée de l’industrie aurait cramé 350 millions de dollars en quinze mois, la faute à des investissements assez colossaux et de sévères déception au box-office (Vice, Les Frères Sisters, Phantom Thread…). Sa firme tutoie la faillite. Papa Ellison renfloue les caisses aussi sec mais rien à faire : les films siglés Annapurna continuent de bider en salles (Bernadette a disparu, Kajillionaire…). Et pour l’heure, sur les plannings, rien d’autre en vue qu’un film en coprod sur l’affaire Weinstein. 

Curieusement, du côté la branche jeux vidéo, Annapurna Interactive, les mêmes méthodes ne produisent pas les mêmes effets. Depuis sa création en 2016, la petite soeur cathodique édite à tour de bras les productions arty et stupéfiantes (What Remains of Edith Finch, Outer Wilds, Telling Lies…) qui chauffent la critique à blanc, raflent à peu près tout ce que le milieu compte de prix et, surtout, se vendent pour la plupart comme des petits pains. Dernier exemple en date, Twelve Minutes : un thriller en vue de dessus sur type coincé dans une boucle temporelle, suite à l’agression de sa femme dans leur appartement. Du jeu d’auteur pur jus qui dialogue constamment avec le cinéma, et doté d’un casting vocal quatre étoiles (Willem Dafoe, Daisy Ridley et James McAvoy, rien que ça). Sur un principe de point and click on ne peut plus classique - et pas exempt de défauts, notamment une certaine rigidité dans ses mécaniques -, le créateur et scénariste Luis Antonio fait du gaming fusion, exigeant, narratif, chiadé et hautement populaire : l’industrie du jeu vidéo semble raffoler de cette formule, on la comprend. Et celle du cinéma alors ? Disons que pour Annapurna, elle fait désormais office de sympathique passe-temps…

Twelve Minutes, disponible sur PC, Xbox Series et Xbox One (dans le Game Pass).