Les Dents de la mer de Steven Spielberg
Universal Studios Inc.

Quarante- cinq ans après sa sortie française, le chef d’œuvre d’angoisse de Steven Spielberg est à l'honneur ce soir de Place au cinéma, présenté par Dominique Besnehard sur France 5

L’adaptation d’un roman

Les Dents de la mer et son requin semant la terreur sur la plage de la station balnéaire d’Amity trouvent sa source dans un livre au titre éponyme signé par le journaliste Peter Benchley en 1974. Un projet né dix ans plus tôt de la lecture d’un article du New York Daily News sur la capture d’un requin de 2 tonnes au large de Long Island, agrémenté par les récits d’attaques de requins survenus dans le New Jersey en 1916 et devenu réalité grâce à Thomas Congdon, un agent de la maison d’édition Doubleday. Séduit par le style des articles de Benchley, Congdon avait en effet demandé à le rencontrer pour l’encourager à écrire un roman. Et la suite des événements doit beaucoup à ce Congdon. C’est en effet lui qui, goûtant peu au ton trop humoristique de la première version que lui livre Benchley, demande à l’auteur de repartir à zéro pour raconter la même histoire mais en mode thriller. A sa sortie, le livre se fait étriller par la critique qui fustige sa mollesse… et même par le Commandant Cousteau qui déplore la description faite du comportement des requins, contraire à la réalité. Mais, au même moment, le public lui, se l’arrache, au point de figurer pendant 44 semaines en tête des ventes aux Etats- Unis. David Brown, le producteur de L’Arnaque et du Sugarland express de Spielberg avait cependant eu le nez creux en achetant les droits du livre, bien avant ce carton, attiré par un article paru dans la presse. Avec son complice Richard D. Zanuck, ils confient l’adaptation à Benchley lui- même en l’associant avec Carl Gottlieb qui n’avait encore jamais écrit pour le grand écran. Puis ils font appel comme script doctor à Howard Sackler (auteur de la pièce The Great white hope, couverte de Tony Awards en 69 et portée à l’écran par Martin Ritt avec L’Insurgé) avant que John Milius, le scénariste de L’Inspecteur Harry et le comédien Robert Shaw travaillent plus précisément sur le monologue du personnage de ce dernier, chasseur de requins, évoquant le naufrage de l’USS Indianapolis, le plus meurtrier de l'histoire de la marine militaire américaine notamment à cause des attaques de requins que les marins avaient dû subir.

Un tournage peuplé de catastrophes

Sortant de l’échec en salles de Sugarland Express, Steven Spielberg n’a pas de projet précis pour enchaîner… avant que son regard ne soit attiré par le titre (Jaws) d’un scénario qu’il voit sur le bureau de Peter Benchley. Il demande à le lire et confie au producteur dès le lendemain son envie de le mettre en scène. Commence alors une série de galères qui a pu un temps lui faire regretter son choix ! La fabrication des Dents de la mer va en effet successivement devoir faire face à la menace de la grève du syndicat des acteurs menaçant de paralyser Hollywood, le fonctionnement plus qu’aléatoire des trois faux requins animatroniques conçus pour l’occasion et des dépassements de calendrier tels que le budget passe de 2,5 millions à 12 millions de dollars au terme des 155 jours de tournage. Les Dents de la mer a donc tout d’une catastrophe annoncée avant de débouler en salles !

 

Le pionnier des blockbusters

Mais le public va faire mentir ces tristes augures. Porté par des critiques largement positives, Les Dents de la mer va réunir 260 millions de dollars de recettes sur le sol seul américain et 210 millions hors de ses frontières, alors que le livre originel voit ses ventes relancer pour cumuler au final plus de 9 millions d’exemplaires vendus. Couronné par trois Oscars (son, musique et montage) mais battu pour la statuette du meilleur film par Vol au- dessus d’un nid de coucou, Les Dents de la mer devient le plus gros succès de toute l’histoire du cinéma (et le restera pendant deux ans avant que Star Wars ne le chasse) et lance le phénomène des blockbusters, ces films d’action à gros budget que les studios vont dès lors s’évertuer à sortir comme le film de Spielberg, au cœur de l’été.