Le règne animal
NORD-OUEST FILMS - STUDIOCANAL - FRANCE 2 CINÉMA - ARTÉMIS PRODUCTIONS

Et si Le Règne animal devenait le sleeper de l’automne ? C’est tout ce qu’on souhaite à son réalisateur qu’on a interrogé sur les premiers chiffres…

Après un démarrage en pente douce, les chiffres du Règne animal laissent présager que ce beau film étrange pourrait être un des vrais succès de la fin d’année. On a attrapé son réalisateur, juste avant les chiffres de mercredi pour un point d'étape.

Le Règne animal, nouveau phénomène du box-office français ?

Première : Quand sont parus les chiffres du premier jour, certains se sont un peu inquiétés. Comment avez-vous vécu la sortie du film de votre côté ?
Thomas Cailley : Les chiffres étaient bons. Pas incroyables, mais vraiment corrects. Il faut recontextualiser. Un chiffre d’entrée, c’est forcément relatif, or on était début octobre dans un marché faible. Je crois même qu'il s'agissait d'une des semaines les plus calmes de l'année. En tout cas on a fait une soirée chiffre qui était joyeuse.

Et tout s’est joué le premier week-end.
T.C. : C’est là que ça a vraiment explosé. C'était un peu plus que ce qu'on espérait et on a été très contents du week-end. Le film a fait 100 000 sur les deux jours, samedi et dimanche, et tout le monde s'est tourné vers le mercredi suivant pour voir comment le film allait encaisser les nouvelles arrivées sur le marché. On s'attend toujours à ce que ça baisse en deuxième semaine et ça varie. Ca peut être de 30 %, de 40 %... Nous on se disait que, en dessous de 35 % de baisse, ce serait positif. Et quand on a découvert que ça ne baissait quasiment pas… Sur la semaine, on va être à moins de 3 % de baisse, peut-être moins de 2 % ; lundi on était même à plus 1 %. 

Comment analysez-vous cette tendance ? Qu’est-ce qu’elle dit de la réception du film ?
T.C. : Ca témoigne très clairement d'un bouche à oreille soutenu. Par définition, ce bouche-à-oreille n'a pas commencé les deux premiers jours, mais on l’a identifié dès le premier weekend. Une autre chose importante pour nous, c’est que le film fonctionne partout. Autant dans les multiplexes que dans les salles art et essai de centre-ville comme dans les villes moyennes. Ca signifie qu'il touche tous les publics. Et c'est vraiment ce qui me réjouit le plus, parce que depuis le début, notre ambition c’était de faire ce film avec l'exigence et la précision d’un film d'auteur, mais avec l’envie de toucher un public plus large.

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Studio Canal

Vous savez quel type de public est au rendez-vous ?
T.C. : Oui. Et ce qui est génial c’est que les jeunes viennent nombreux. Mon distributeur me disait que tous les réalisateurs souhaitent toucher les jeunes et cette fois, ça à l'air de marcher. C'est aussi un public qui partage beaucoup son amour des films ou son désir des films sur les réseaux sociaux. Et on en voit la trace sur le web, évidemment, sur Instagram notamment. Les retours des salles sont aussi très forts. Comme je vous le disais, les exploitants ont rarement vu une tenue pareille et surtout ils sont très étonnés de voir autant de gens sortir en larmes. C'est sans doute ça qui fait que le film est partagé. 

L'émotion ?
T.C. : Oui ! A la sortie des projections cannoises, j’étais ravi des retours, mais je dois avouer que je trouvais dommage qu’on ne retienne du film que son côté singulier. "C'est un ovni" ou "on n'a pas l'habitude de faire ça en France" : c’est très valorisant, très précieux. Mais aujourd’hui, le retour majoritaire, c'est l'émotion liée à l’histoire et aux personnages. Je reçois beaucoup de messages sur les réseaux qui reviennent là-dessus. Je pense que c’est la raison pour laquelle beaucoup de gens vont le voir plusieurs fois. Ils y retournent avec leurs enfants, avec leurs parents, le partagent avec leurs amis… C’est merveilleux parce que ça signifie que les gens s'en emparent.

Le Règne animal : Paul Kircher, en route vers un César ?

Vous parliez de la réception à Cannes. Comment avez-vous vécu la réception critique dithyrambique ?
T.C. : Très bien (rires) Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? (rires)

N’avez-vous jamais eu peur que ce soit trop lourd à porter pour le film ? Que cette presse unanime, qui salue l’étrangeté ou la singularité du film, laisse les spectateurs disons… circonspects ?
T.C. : Je ne l'ai pas vécu de cette façon-là parce que j'ai eu l'impression tout de suite qu'il n'y avait pas de différence entre les étoiles spectateurs et la moyenne presse sur Allociné. C'est quand même bon signe. Je n'ai pas senti le divorce dont vous voulez parler… Je comprends ce que vous me dites parce que c'est une question qu'on a effectivement pu se poser. Mais je n'ai pas l'impression que ça a été le cas. Après, cet écho très puissant de la presse tient aussi à la date de sortie. On est sorti le 4 octobre, au tout début du mois. Les mensuels, les hebdos, les quotidiens, les radios, la télé : tout est arrivé au même moment, dans un mouchoir de poche, entre le dimanche et le jeudi. On était évidemment ravi d'avoir un soutien critique, une couverture médiatique pareille, mais on savait que ça ne le ferait pas pour le premier jour. Parce qu'il y a plein de gens qui allaient apprendre l'existence du Règne animal le jour de la sortie ! Ca semble fou quand on a la tête dedans depuis Cannes, mais de nombreux spectateurs, y compris des cinéphiles, avaient le choix d'une telle offre (entre ce qui passe au cinéma et les plateformes et l'actualité en général), que beaucoup n’ont pu découvrir l'existence du film qu’au milieu de la semaine. D’où les chiffres du mercredi qui ont fini par monter progressivement. 

Le Règne animal au Festival de Cannes
Marechal Aurore/ABACA

Quelles étaient les stratégies marketing ? Vous vouliez donc d’abord miser sur l'effet de surprise ?
T.C. :
Comme je l’expliquais, on est sorti après l'été et on savait dès le début que c'est à la rentrée que tout allait se jouer. Ce n'était pas qu'on ne voulait pas en parler, mais on avait l'impression que si on partait trop tôt, on aurait du mal à garder l’intérêt des gens. Comment tenir la communication à partir du mois de mai jusqu'au mois d'octobre ? Personnes n'arrive à faire ça ! Du coup, les équipes ont cherché à rendre le film de plus en plus visible à partir de la fin aout. Et comme la couverture médiatique allait sortir au dernier moment, le distributeur a misé sur une stratégie de mèche lente. En s'appuyant si possible sur le bouche à oreille. C'est ça qui a été décidé après Cannes parce qu’à ce moment-là, on a compris que le meilleur argument, c'était le film lui-même.

Son caractère hybride ?
T.C. :
Oui, le fait que ce soit à la fois un film intime et spectaculaire, qu'il y ait de la comédie, de l'action, du drame, que ce soit réaliste et fantastique. Tous ces concepts qui peuvent paraître contradictoires, et qui sont très difficiles à synthétiser. La bande-annonce n'a pas été facile à faire par exemple. Je la trouve très bien, mais c'était compliquée de saisir cette idée d'hybridation. C'est presque impossible en deux minutes de parler de tout ça.

Je confirme : même pour la critique c’était compliqué à envisager.
T.C. :
Oui, oui, j'ai vu (rires). Comment dire ce que c'est à un spectateur ? Rappeler qu'il y a quelque chose de singulier et qu'ils n'ont pas forcément déjà vu... Parfait. Mais comment résumer le film ? Comment trouver l'argument ? Quand on dit que c'est un film fantastique, ça n'est pas suffisant. On ne peut pas non plus se contenter de dire que c'est un film sur une histoire père-fils. J’avoue que ce n'était pas facile de le décrire de manière synthétique. Même en termes de genre, on ne peut pas le mettre à une case particulière. Mais c'est tout l'intérêt d'avoir eu un soutien critique et une couverture médiatique large. A force d'avoir multiplié les angles, finalement, le film a fini par s’offrir dans sa polyvalence.