Paul Mescal dans Aftersun de Charlotte Wells (2023)
Sarah Makharine

A 26 ans, son nom est sur toutes les lèvres et notamment celles de Ridley Scott pour Gladiator 2. Il est bientôt à l’affiche d’Aftersun. Entretien.

L’irlandais Paul Mescal, 26 ans, découvert dans la série Normal People, est l’acteur du moment, celui que l’on place en tête de gondole de la plupart des projets. Il est ainsi fortement pressenti pour porter sur ses solides épaules Gladiator 2 de Ridley Scott et Richard Linklater vient de l’enrôler dans son nouveau projet au très long cours, Merilly We Roll Along. Pour l’heure, Mescal s’apprête à redescendre de la scène de l’Almeida Theatre à Londres où il campait tous les soirs Stanley Kowalski, le héros tourmenté d’Un tramway nommé désir forçant l’analogie avec Marlon Brando. Angelina Jolie, par l’odeur alléchée, est même venue voir de plus près comment le jeune homme s’en sortait.

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Le comédien, bientôt à l’affiche du sensible Aftersun, premier long-métrage de Charlotte Wells remarqué au dernier Festival de Cannes et depuis un peu partout sur la planète, a également tourné sous la direction de Benjamin Millepied, une adaptation actualisée de l’Opéra de Carmen de Bizet. On ne s’est donc pas gêné d’insister pour parler avec la merveille. La chose s’est faite par visio dans des conditions « extrêmes », l’acteur acceptant le challenge de nous causer dans les coulisses du théâtre londonien avant la représentation du soir. Sympa Mescal.

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A quelques heures de monter sur scène, vous êtes dans quelles dispositions ?  

J’aime la routine du théâtre, arriver tôt, lire un livre, errer dans les couloirs en essayant de se vider la tête et donc de calmer mes nerfs. Pendant que je vous parle, j’entends mes partenaires répéter sur scène. C’est stimulant. Je me sens comme un boxeur qui s’apprête à voir des gens bouger autour de lui. Le jeu, c’est très physique, il faut prendre possession de l’espace...

Vous interprétez le héros d’Un tramway nommé désir, la pièce culte de Tennessee Williams, rôle immortalisé au cinéma par Marlon Brando. La référence n’est pas trop lourde à porter ?

Je n’ai pas jugé nécessaire de revoir le film d’Elia Kazan pour préparer la pièce. Brando reste une référence indépassable et je ne suis pas certain qu’un comédien doive façonner son jeu à partir de là. Quand j’étudiais l’art dramatique, mon professeur nous avait montré Un tramway nommé désir avec Brando. Je m’étais empressé de le revoir pour essayer de comprendre comment il parvenait à développer autant d’intensité. A moi désormais de trouver ma propre voie pour y parvenir... 

Brando est connu pour son jeu très intense, puisant au fond de lui-même...

Je comprends que certains aient besoin de ça, mais travailler dans l’excès n’est pas ma nature. Je pense avoir une approche plus impressionniste. Dans tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, j’ai essayé d’exprimer la complexité du personnage sans forcément tout extérioriser. Pas de surmoi. J’aime que les choses passent par des regards, des gestes... En revanche, je suis prêt à tout donner si un ou une cinéaste exige de moi une composition électrique. Un comédien est au service d’une vision...

Dans Aftersun de Charlotte Wells vous jeu est très intériorisé. Tout repose sur la fragilité secrète de votre personnage...  

L’écriture de Charlotte est très sensible. J’ai immédiatement été séduit. En lisant le script, je me suis dit : « Voilà un film que j’ai envie voir qu’importe si je suis dedans ou pas ! » J’aime que les choses, à commencer par les sentiments, soient en grande partie suggérées. C’est toujours l’émotion qui doit primer. L’émotion et ses mystères. C’est finalement assez impalpable. Au spectateur ensuite de se mettre au diapason des personnages pour comprendre ce qu’ils ressentent. C’était un challenge de devenir Calum (nom de son personnage dans le film) J’ai de la sympathie pour lui. Beaucoup d’hommes souffrent en silence.

Charlotte Wells est une jeune réalisatrice. La collaboration a-t-elle été simple ?

Dès que j’ai lu le script, j’ai voulu la rencontrer. Nous avons le même âge, la même sensibilité. Nous nous sommes tout de suite compris. Aftersun est son premier film, je n’avais pas beaucoup d’expérience non plus. C’était très rassurant pour l’un et l’autre de travailler ensemble.

A quand remonte votre désir de devenir comédien ?

La première fois que je suis monté sur scène c’était au collège, pour jouer de la musique... Je ne voulais plus redescendre.  L’idée de devenir comédien est venue plus tard. J’ai pris des cours d’art dramatique pendant trois ans, tenté de me faire une place au théâtre et d’un coup, un casting, un rôle, un succès, les choses s’ouvrent en grand... On n’est jamais préparé à tout ça...

Ce succès c’est bien-sûr la série Normal People, il y a trois ans...

... Soudain ma vie a changé... C’est vertigineux...

Comment expliquez-vous le succès de cette série ?

Je pense que le public a aimé la sincérité des personnages et cette façon de rester au plus près d’eux. Si vous regardez bien, il n’y a rien d’extraordinaire : pas de péripéties rocambolesques, ni une multitude de personnages, juste deux êtres qui évoluent l’un à côté de l’autre...

Votre première expérience au cinéma pour le film, The Lost Daughter de Maggie Gyllenhaal, c’était comment ?

Premier jour de tournage, je me retrouve sur une plage avec Olivia Colman ! J’hallucinais. Le reste du casting était incroyable. Je me demandais sincèrement ce qui m’arrivait. What’s the fuck is going on ?

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En tant que spectateur, quels films vous ont marqués récemment ?

Vortex de Gaspar Noé. J’aime la façon dont il se rapproche au plus près de l’humain.  Globalement ce n’est pas tant l’histoire d’un film qui m’intéresse que la vibration qui émane des êtres sur l’écran.

Aftersun de Charlotte Wells. Avec : Paul Mescal, Frankie Corio, Celia Rowlson-Hall... Condor Distribution/ MUBI. Durée : 1h42. Sortie le 1er février.


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