Cheval de Guerre Steven Spielberg, Kathleen Kennedy
Abaca

A l'occasion de la sortie de Cheval de guerre, rencontre avec Kathleen Kennedy, productrice privilégiée de Spielberg
Par François Grelet

Kathleen Kennedy, il y a cette anecdote qui court à votre sujet, et je voulais vérifier avec vous si elle était exacte...
Allez y... 

Donc en 1977 vous étiez productrice de télé à San Diego...
Jusque là tout va bien...

… Cool, je continue alors. Vous rentrez dans une salle de cinéma pour voir Rencontre du troisième type. Et devant le film, vous vous dites “je veux travailler avec le mec qui l'a réalisé”. Là vous lâchez tout, direction Hollywood. Six mois plus tard vous êtes engagée sur 1941...
C'est exactement comme ça que ça c'est passé, oui... 

C'est pas plutôt vous qui écrivez votre propre légende, non ?
Non, non j'ai vraiment quitté mon job quatre jours après cette séance pour partir à L.A. Et j'avais Steven Spielberg en point de mire. J'ai d'abord commencé à travailler pour John Milius, qui avait un bureau chez Columbia. C'était un énorme immeuble en forme de L, les bureaux de John était à une extrémité du L, ceux de Steven à l'autre bout, et le mien, juste au milieu. Un beau jour, forcément, j'ai fini par le croiser. Je tombe sur ce jeune garçon, pas très sûr de lui, mais charmant, qui se faisait littéralement avalé par le charisme de Milius. Je les observai à longueur de journées. J'avais d'abord été engagé pour travailler sur le casting et l'organisation de la pré-production, et puis Steven m'a ensuite confié un poste sur le tournage. 

L'anecdote sur Rencontres, raconte des choses sur votre pugnacité. Mais d'un autre côté elle en dit aussi très long sur la toute puissance du cinéma de Spielberg, la manière dont il agit sur son public...
Oui, on parle souvent "du film qui a changé votre vie". Rencontres a effectivement "changé ma vie", mais d'une manière littérale.

Vous vouliez forcément travailler dans l'industrie du cinéma ?
Hummm. C'est compliqué, j'ai grandi dans une toute petite ville du Nord de la Californie. Je n'aurais jamais osé dire que je voulais faire du cinéma. Ca ne voulait rien dire là bas. Mais j'aimais bien faire joujou avec la caméra Super 8 de mon père, j'imagine que ce n'était pas innocent. Du coup, mon premier vrai boulot c'était cadreuse pour une chaîne locale. Puis j'ai gravi les échelons, jusqu'à la production donc... 

Vous avez donc été embauché comme assistante de production sur 1941. Je crois que le gros de votre travail consistait à vous occuper de l'imprévisible John Belushi. C'est ça?
Exactement, je devais essentiellement m'assurer qu'il arrive à l'heure sur le plateau et qu'il connaisse au moins une partie de ses répliques. C'était effectivement un "wild man"... Avec, pour ne rien arranger, un emploi du temps surchargé puisque, à l’époque, il travaillait aussi pour le Saturday Night Live... Lui et Dan Akroyd faisaient donc des allers-retours entre les plateaux du film à Los Angeles, et New York où l'émission était enregistrée. Un cauchemar a gérer. 

A l'image de la production houleuse du film?
Oui, le film est connu pour son tournage compliqué, son budget qui a explosé a mi-parcours. C'était une épreuve certes, mais une épreuve délicieuse à surmonter. Vraiment. Un chaos aussi épuisant que stimulant. C'est comme ressortir vivant d'un tsunami. Et pour un premier job à Hollywood c'est galvanisant : “Ok j'ai bossé sur 1941, qu'est ce qui peut vraiment me faire peur après ca...?”  

C'est aussi pour ca que la tournage qui a suivi, celui des Aventuriers de l'arche perdue, a été réglé comme du papier à musique...
Steven avait des choses à prouver...Et des choses à prouver à l'industrie. Les Dents de la mer avait déjà été un film compliqué à tourner. Sur Les Aventuriers, je suis devenu producteur associé, vous pouvez traduire ça par "l'assistante personnelle de Monsieur Spielberg". Et c'est sur ce film que j'ai rencontré Frank marshall (qui deviendra son associé, puis son mari NDLR) 

Les Aventuriers, est peut être le film mieux produit de la carrière. Dans quelle mesure peut on vous attribuer ce mérite ?
Oh je n'y suis pas pour grand chose, j'étais une rookie à l'époque. Mais effectivement c'est un film incroyable, réalisé dans un laps de temps très court et avec un budget très raisonnable. J'ai peut être apporter ma pierre à l'édifice mais c'est avant tout lié à la personnalité de Steven. C'était son challenge personnel sur son film. 

A suivre :

Kathleen Kennedy : "Spielberg est quelqu'un de très fidèle" Kathleen Kennedy, productrice de Spielberg : "Il y a toujours un moment où la logistique devient un acte de création"