Les Indes Galantes
Les Films Pelléas

Le documentaire de Philippe Béziat est visible sur Arte, ainsi qu'en replay.

Passé brillamment du documentaire à la fiction avec Ni le ciel ni la terre (César du meilleur premier film en 2015), le surdoué Clément Cogitore, qui est également plasticien et photographe, s’est aussi essayé à la mise en scène d’un opéra original, en 2019.

Une réinvention des Indes Galantes, classique du genre créé en 1735 par Jean-Philippe Rameau, avec une troupe de danseurs urbains issus d’horizons divers. Un projet mené avec la chorégraphe Bintou Dembélé qui avait d’abord accouché d’un court-métrage sorti en 2017 (que vous pouvez voir ici) avant d’investir la scène de l’Opéra Bastille. 

C’est la genèse de ce mariage improbable, mêlant chant lyrique et hip-hop, que raconte le documentaire du même nom, réalisé par Philippe Béziat. Des répétitions aux représentations publiques, on suit les coulisses de cette aventure hors du commun, qui avait d’ailleurs plutôt divisé la critique. Quatre ans après sa diffusion au cinéma, ce docu sera visible en deuxième partie de soirée sur la 7e chaîne, ce dimanche. Il est aussi disponible en replay sur le site d’Arte. Sa critique, ainsi que sa bande-annonce, sont à retrouver ci-dessous. 

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Dans Intouchables, il y avait cette séquence à l’Opéra où les manières de Driss (Omar Sy) jurent ostensiblement avec celles de l’assistance majoritairement « blanche » et endimanchée. Plutôt que de renverser le cliché, les réalisateurs du film se vautraient dedans. Ainsi, Driss, conformément à son « statut » de « jeune de banlieue », hurle de rire à la vision du ténor déguisé en arbre. La lourdeur du gag validait – involontairement – un racisme de classe.

Ce racisme, Indes galantes de Philippe Béziat, lui tord le cou en célébrant la façon dont des mondes a priori séparés peuvent se marier pour atteindre des sommets de beauté. Ce documentaire suit les préparations du spectacle Les Indes galantes à l’Opéra Bastille en 2019. Le metteur en scène Clément Cogitore a confié à des danseurs issus de la culture urbaine l’interprétation du ballet.

Tel Jean- Philippe Rameau s’interrogeant sur la manière dont à la cour de Louis XV on percevait les indigènes peuplant ces Indes lointaines et fantasmées, Cogitore assume devant ses « troupes » partir d’un cliché. L’opéra tend ensuite à bousculer cette perception et « la danse des sauvages », sorte d’acmé émotionnelle et physique du ballet, célèbre autant un métissage possible que la brutalité qui l’a vu naître. Philippe Béziat capte ici avec une grande sensibilité l’énergie et la grâce qui émanent de l’ensemble. A la fin, les plans sur les mélomanes pénétrant dans l’enceinte de l’Opéra montrent que ce genre de « soirée » n’est encore réservé qu’à une élite. Pour autant, sur la scène, c’est bien une prise de la Bastille qui a lieu.