Celles qui chantent
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Ce programme est composé de quatre court-métrages réalisés pour la 3e Scène de l’Opéra national de Paris. Parmi ces films, un inédit de Sergei Loznitsa et de Jafar Panahi.

En 2015, l’Opéra national de Paris a pérennisé sa révolution numérique en ouvrant son espace digital, la 3e Scène, aux plasticiens, photographes et cinéastes. Ces derniers sont invités à créer librement des œuvres autour de l’Opéra, visibles librement sur la plateforme. Parmi le travail des cinéastes, on se souvient peut-être de l’incandescent Blue, sublime court-métrage du cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, ou la captation des Indes Galantes de Clément Cogitore.

Blue, le film inflammable d'Apichatpong Weerasethakul

Celles qui chantent proposent à quatre court-métrages issus de la 3e scène de quitter les rives du numérique pour les salles obscures. Ce programme tient sa cohérence de la célébration du chant féminin, fil secret (les cinéastes n'avaient aucune idée du travail de leurs collègues) qui donne à voir et à entendre la puissance des divas.

Aux deux extrémités dudit programme, deux pointures du cinéma viennent lustrer l’ensemble de leur aura international. Le cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa (Une femme douce, Donbass...), ouvre le bal avec sa Nuit à l’Opéra. A l’aide d’images d’archive, il reconstitue une soirée de gala au Palais Garnier quelque part entre les années 50 et 60. Un évènement placé sous le haut patronage du Général de Gaulle et de la Reine d’Angleterre. On suit "le gratin" sortir des voitures sur la place de l’Opéra devant une foule en délire, emprunter par le tapis rouge où d'autres mondains (acteurs, écrivains, chanteurs de variétés, têtes couronnées, dirigeants...) prennent le temps de s’exposer avant de gravir les escaliers majestueux ou s'entasser dans les interminables couloirs où des petits rats accueillent ces dames avec d’imposants bouquets. Et puis, nous voilà sur scène. Tout le beau monde soudain hors champ, disparaît dans un murmure. Maria Callas fait vibrer sa voix d’or dans un silence devenu religieux. Impériale.

Loznitsa s’amuse avec ces archives. Par la force de son montage et d’un travail remarquable sur le son, il rend à la fois le caractère désuet et ridicule d’une telle soirée mais aussi la beauté presque naïve d’un monde lointain où un gala de la sorte pouvait constituer un évènement populaire.

Jafar Panahi cherche la voix

En fin de programme, le cinéaste iranien Jafar Panahi, assigné à résidence dans son pays depuis plusieurs années, propose Hidden, un récit embarqué dans sa voiture-studio. Accompagné de sa fille et d’une amie, il part à la rencontre d’une jeune femme dotée d’une voix superbe mais que sa famille empêche d’exercée afin de respecter des principes religieux. Un « petit » film qui fait directement écho à son précédent long-métrage Trois visages qui avait obtenu le Prix du scénario au Festival de Cannes en 2018. Jafar Panahi et sa troupe se rendent ici dans le petit salon de la famille de la chanteuse pour tenter de la convaincre de « libérer » sa voix. La mère les reçoit et dispose d’emblée un drap blanc entre eux et elle. Un drap blanc comme un écran de fortune dissimulant à défaut de révéler, le corps à jamais caché de la jeune fille qui se met soudain à chanter avec une puissance déchirante. Panahi en bon disciple d’Abbas Kiarostami, continue d'interroger le médium cinéma pour mieux révéler les brutalités inhérentes à son pays.

Les deux autres films qui constituent le cœur de ce programme sont Les divas du Taguerabt de Karim Moussaoui, film en forme de voyage dans le désert algérien pour retrouver de chanteuses rassemblées dans une grotte et Violetta de Julie Deliquet, qui ose un émouvant parallèle entre la tragédie de la Traviata représentée sur la scène de l’Opéra et les premières séances de chimiothérapie d’une jeune femme dans un hôpital pour soigner un cancer.    

 

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