Millennium Actress (2002)
Septième Factory

Présenté sous le label Cannes Classics, ce documentaire résume intelligemment la carrière du génie de l'animation japonaise, auteur de Perfect Blue, Millennium Actress et Paprika.

"C'était une personne détestable." C'est l'un des producteurs et meilleurs potes de Satoshi Kon qui se souvient de lui en rigolant. "Je l'adorais, mais c'était une personne détestable." Disparu en 2010, Satoshi Kon est donc l'objet de Satoshi Kon, l'illusionniste, documentaire de commande destiné à retracer la carrière d'un des auteurs les plus passionnants du cinéma d'animation (et du cinéma tout court). Dans lequel on apprend, donc, que Kon avait l'air d'avoir un caractère de cochon : Mamoru Oshii (oui, le réal de Ghost in the Shell) y explique que la source de leur engueulade majeure venait qu'ils travaillaient sur un projet dont Kon n'était pas à l'origine -alors que paradoxalement ses deux films les plus connus, Perfect Blue et Paprika, sont adaptés de romans. Bref, le bonhomme n'avait vraiment pas l'air commode, et son caractère se confirmait par les insuccès en salles de ses longs-métrages, inversement proportionnels à leur triomphe critique. Des films géniaux, portant la marque d'un auteur unique, sans doute l'un des plus importants et influençants des années 2000, comme on le rappelait à la ressortie de Perfect Blue en 2017.

Perfect Blue, retour d'un chef-d'oeuvre

Pudiquement, le documentaire de Pascal-Alex Vincent ne cherche pas à percer le mystère Kon : il rassemble des témoignages précis de proches collaborateurs (dont le fondateur du studio Madhouse), d'universitaires érudits (dont la passionnante Marie Pruvost-Delapre) et de quelques admirateurs transis, dont Rodney Rothman (co-réalisateur de Spider-Man : New Generation), Hiroyuki Okiura (Jin-Roh : La Brigade des loups), Mamoru Hosoda (aussi à Cannes 2021 pour Belle) et un certain Darren Aronofsky. Ce dernier explique d'ailleurs benoîtement qu'il a demandé -et obtenu- l'autorisation de Satoshi Kon lui-même pour piquer un plan de Perfect Blue et l'insérer dans Requiem for a Dream (celui où Marion crie dans la baignoire). D'après Darren, Satoshi était ravi, flatté et fier. Une personne détestable, vraiment, ou est-ce que Darren noie le poisson ? En tous cas, le documentaire, dense et compact, retrace toute la carrière de Kon (mais pourquoi ne pas avoir parlé de Magnetic Rose, le magnifique segment inaugural de l'anthologie Memories de 1995, dont il a signé le scénario qui porte toutes ses obsessions temporelles et visuelles ?). De ses débuts comme dessinateur auprès de Katsuhiro Otomo aux conceptions sans cesse douloureuses de ses quatre films et de sa série Paranoia Agent, pour s'achever sur les concept arts de son film Dream Machine (dessins inclus dans Paprika, comme pour ajouter au vertige du film), Satoshi Kon, l'illusionniste est le portrait d'une rock star unique. Une rock star qui n'aurait produit que quatre albums (et une série), mais aucun déchet. Perfect Blue, Millenium Actress, Tokyo Godfathers, Paranoia Agent et Paprika : mal exploités, mal distribués, mais tous quasi parfaits, libres, accomplis et entiers. D'après Kon, entend-on dans ce film, chacun d'entre nous porte en permanence le passé, le présent et le futur. Chacun de ses films aussi. On espère que ce docu répandra la bonne parole.

Présenté au Festival de Cannes 2021, Satoshi Kon, l'illusionniste sortira le 4 août en salles.