Mystère à Venise
20th Century Studios

Tour d'horizon des influences cinématographiques de la nouvelle aventure d'Hercule Poirot.

Troisième volet de la réinvention des enquêtes d'Hercule Poirot par Kenneth Branagh, Mystère à Venise (actuellement au cinéma) délocalise dans la Cité des Doges une intrigue policière d'Agatha Christie située à l'origine dans la campagne anglaise. Pourquoi Venise ? "Pour utiliser la magie et l'aspect effrayant de la ville, explique le scénariste Michael Green. Il n'y a rien de plus hanté qu'un palazzo vénitien !" Mais la raison de cette délocalisation sur les rives du Grand Canal est peut-être aussi à chercher du côté de quelques classiques du cinéma, qui ont démontré à quel point Venise était un décor idéal pour les amateurs de frisson sur grand écran.

Mystère à Venise est le meilleur des Hercule Poirot [critique]

Peur et surnaturel : Ne vous retournez pas de Nicholas Roeg (1973)

Sorti en 1973, Ne vous retournez pas raconte le deuil d'un couple anglais en voyage à Venise, peu de temps après la mort accidentelle de leur petite fille. Bientôt, des visions inquiétantes, des hallucinations et autres présages de morts se multiplient dans la ville, sous leurs yeux, au gré des balades sur les canaux et dans les ruelles de la Sérénissime… Dans ce conte fantastique qui dérive lentement du réalisme à l'horreur, le réalisateur Nicholas Roeg (Performance, L'Homme qui venait d'ailleurs…) utilise merveilleusement l'atmosphère lugubre et irréelle de cette ville unique au monde qu'est Venise. Cité par l'équipe de Mystère à Venise comme l'un des chefs-d'œuvre du cinéma "vénitien", Ne vous retournez pas reste méconnu en France mais il est considéré comme un classique en Grande-Bretagne – soit la patrie d'Agatha Christie et de Kenneth Branagh…

Ne vous retournez pas
Eldorado Films

Réinventer un personnage mythique : Casino Royale de Martin Campbell (2006)

Dans Mystère à Venise, Kenneth Branagh continue de réfléchir, entre deux portes qui claquent et interrogatoires de suspects, à la dimension mythologique du personnage d'Hercule Poirot (l'un des plus célèbres de la littérature du 20ème siècle) en même temps qu'à son humanité (quelles failles intimes l'enquêteur cache-t-il derrière sa moustache et ses manies de vieux garçon ?). Cette relecture du personnage, cette volonté de le faire entrer dans la légende tout en le faisant repartir de zéro, n'est pas sans rappeler le reboot des aventures de James Bond – autre héros anglais légendaire – entreprise par les producteurs de la saga à partir de Casino Royale. Un film qui, d'ailleurs, s'achevait dans le fracas d'un palazzo vénitien s'effondrant dans le Grand Canal, en même temps que 007 fendait l'armure et révélait son romantisme… Bond, Poirot, même combat.

Casino Royale
Columbia Pictures

Théâtre et manipulation : Guêpier pour trois abeilles de Joseph L. Mankiewicz (1967)

C'est un film tardif du grand Mankiewicz (Cléopâtre, Le Limier…), un peu oublié aujourd'hui, mais qui intéresse sans doute beaucoup Kenneth Branagh. Comme Mankiewicz (qui a porté à l'écran le Jules César de Shakespeare avec Marlon Brando), Branagh est un metteur en scène qui a toujours cherché à conjuguer théâtre et cinéma, l'amour de la langue et les sortilèges purement visuels. Guêpier pour trois abeilles est l'histoire d'une machination, où comment un homme vieillissant et amer tente de piéger trois de ses anciennes maîtresses dans sa vaste demeure vénitienne. Bientôt, l'une d'entre elles meurt, la machination déraille, et un domestique mène l'enquête, comme dans un whodunit d'Agatha Christie… Suspense, atmosphère lugubre, huis-clos étouffant entrecoupé de promenades en gondole… L'atmosphère de Mystère à Venise n'est pas très éloignée de celle de ce Guêpier.

Guêpier pour trois abeilles
United Artists

La cité funèbre : Mort à Venise de Luchino Visconti (1971)

Tel que dépeint par Kenneth Branagh dans Mystère à Venise, Hercule Poirot est un homme faisant face à la mort, et qui profite d'un séjour dans la Cité des Doges pour s'accorder un dernier sursis… Une ambiance mortifère qui renvoie directement au chef-d'œuvre absolu sur Venise : le Mort à Venise de Luchino Visconti, adapté du livre de Thomas Mann en 1971. Tous les cinéastes venus après ce classique pour tourner dans la Sérénissime ont dû se confronter au souvenir indélébile laissé par ce film, certes pas policier mais néanmoins hanté par la mort, et qui donne merveilleusement à voir les palais décrépits de la ville, ses ruelles suffocantes et ses eaux stagnantes, prêtes à engloutir les visiteurs égarés.

Mort à Venise
Alfa Cinematografica

Mystère à Venise, de Kenneth Branagh, avec Kenneth Branagh, Tina Fey, Camille Cottin et Michelle Yeoh… Actuellement au cinéma.