Bertrand Usclat
Julien Reynaud/APS-Medias/ABACAPRESS.COM

Le créateur de la pastille humoristique Broute est au casting de Jumeaux mais pas trop, en compétition au festival du film de comédie de l'Alpe d'Huez. Rencontre.

Bertrand Usclat, créateur et acteur principal de la pastille Broute (qui parodie ouvertement le média Brut, pour ceux qui n'auraient pas suivi), est au festival de l'Alpe d'Huez avec Jumeaux mais pas trop, une comédie dans laquelle il partage l'affiche avec Ahmed Sylla. L'histoire de Grégoire et Anthony, qui 33 ans après leur naissance découvrent qu'ils sont frères jumeaux... et la surprise est d’autant plus grande que l’un est blanc et l’autre noir. Un scénario « high concept » en forme de blague absurde ? Forcément un peu, mais les réalisateurs Olivier Ducray et Wilfried Meance dépassent pourtant très vite ce pitch insolite pour créer un conte poilant et touchant. L'occasion pour Bertrand Usclat de montrer de quel bois il se chauffe dans un rôle principal, celui d'un des deux frères, homme politique de droite qui brigue la mairie d'Angoulême.

A nos confrères de Technikart, vous disiez dernièrement avoir "un fantasme sur l’homme politique". D'ailleurs vous avez fait une licence en communication politique et c'est le genre de personnage que vous incarnez régulièrement dans Broute. Qu'est-ce que ça fait de pouvoir enfin le jouer tout au long d'un film ?
C'est un vrai bonheur parce que j'ai le temps de jouer l'obsession, le détail. La minutie du choix des mots des hommes politiques me fascine. Quand on leur demande en interview des choses comme : « Pour ou contre le nucléaire ? », je me demande toujours comment on peut répondre à ça en projetant l'effet que vont avoir ses paroles ? C'est pour ça qu'ils parlent lentement, il y a une surchauffe du processeur qui leur donne, parfois, un petit air un peu hébété. Et j'adore jouer ça, incarner des personnages pris entre des forces contraires. J'aime bien le métier d'homme politique. Même s'il en a que je déteste, je ne trouve pas que ce sont tous des guignols. J'aime bien la fonction, je crois encore en la politique et au régime représentatif ! Du coup j'ai beaucoup d'empathie pour ces gens-là, qui sont en permanence exposés. Au fond, je n'ai pas fait de politique parce que je crois que je voulais être aimé. On est plus aimé en étant acteur qu'en étant politique... du moins on est détesté avec moins de virulence.

Jumeaux mais pas trop sera peut-être le film qui vous permettra de vous imposer au cinéma. C'est l'objectif ?
C'est paradoxal : avant de faire du cinéma je crevais d'envie d'en faire. Et maintenant que j'en ai fait, je m'en fous un peu plus... Non, en fait, la vérité, c'est depuis que je fais des trucs qui me plaisent que j'ai pris du recul. Ce qui est un peu différent. Il y a quatre ans, j'aurais été prêt à tuer pour avoir deux répliques dans un film qui ne me plaisait pas. Alors qu'aujourd'hui, je peux recevoir un scénario et me dire que je ne vais pas le faire parce que je ne trouve pas ça bien. Je ne sais pas de quoi demain sera fait : Broute ? Un autre format ? Une émission de radio ? Un podcast ? Des films ? J'espère un peu de tout ça.

Vous avez mis Broute en pause pour quelque temps. Vous aviez l'impression d'arriver au bout d'un truc ?
J'ai fait une pause parce que je devais écrire d'autres trucs et que j'étais à la bourre. Et comme je suis très monotâche, j'ai besoin de me focaliser sur un seul projet à la fois... Mais en fait, j'ai envie d'arrêter Broute à chaque épisode.

Ah bon ?
Ouais, je suis fatigué, je me dit que je n'aurais plus jamais d'idées... Et en fait j'ai eu 150 des idées, ça revient à chaque fois. Mais je trouve chaque épisode nul avant qu'il ne sorte. Il y en a certains que je ne regarde même pas, je fais totalement confiance à mon monteur. Ce sont des phases où j'ai du mal à me voir. Et comme je vis tous les jours avec mon image quand je fais Broute, ça peut être compliqué : je me filme, je me regarde au montage, je me valide, je mets ma photo sur les réseaux sociaux... Il y a des moments où je me fatigue. Je ne sais pas si j'ai une grande passion de moi. Bon, tout va bien hein, je suis en bonne entente avec moi-même (Rires.). Mais parfois, j'ai des vertiges à force de me regarder.

Et tourner dans un film dont vous n'êtes pas le réalisateur, ça permet de lâcher prise ?
Oui, j'essaie de ne plus contrôler mon image. Sur Jumeaux mais pas trop, je ne suis jamais allé voir le combo, parce que ça me déprime. Il y a des moments où j'ai besoin de m'oublier. Et après quand je vois le film, j'avise si j'en veux au chef opérateur et aux réalisateurs (Rires.) En l'occurrence pour Jumeaux mais pas trop, je ne leur en veux pas !

Ce qui marche bien dans le film, c'est la différence entre votre façon de jouer et celle d'Ahmed Sylla. Il y a quelque chose d'un peu technique chez vous - même si c'est imperceptible - alors que lui semble totalement dans le lâcher prise.
Je suis d'accord. Après si je veux jouer au con, je pense qu'Ahmed a une vraie technique dans le lâcher prise ! Mais c'est vrai que j'ai tendance à baliser les choses pour pouvoir me sentir à l'aise. Je peux facilement me sentir à poil quand je joue, me trouver un peu chiant. Je suis à l'opposé de Pauline [Clément, à qui il donne la réplique dans Broute et Jumeaux mais pas trop], une actrice qui m'agace parce que si tu le mettais devant une caméra et que lui faisais lire le bottin, elle serait 100 % du temps géniale. Ca m'énerve, les gens doués. Moi je ne suis pas doué, j'ai besoin de travailler ! Je suis un acteur de droite en fait ! (Rires.)

Jumeaux mais pas trop, prochainement au cinéma.