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Il y a deux façons de traiter la possession au cinéma. La première adopte un point de vue scientifique, comme Benjamin Christensen dans La sorcellerie à travers les âges. On y apprenait que ce que les inquisiteurs du moyen âge faisaient passer pour l’oeuvre du diable était en fait une manifestation de ce qui au XIX ème siècle a été identifié comme une maladie - l’hystérie, - laquelle pouvait être soignée.Une autre approche consiste à admettre l’existence du diable pour en exploiter l’imagerie très puissante, comme dans L’exorciste. Friedkin se foutait probablement pas mal de faire de la publicité pour le vatican, pourvu qu’il atteigne son objectif : réaliser l’un des films de terreur les plus efficaces de l’histoire. La mauvaise nouvelle, c’est que les innombrables imitations qui ont suivi (jusqu’à The rite) ne sont jamais arrivées au même niveau artistique, et à la place, ont inlassablement enfoncé le même clou idéologique : la supériorité de la foi sur la raison.  En tant que film de possession, Le moine se situe entre les deux. L’énorme roman de Lewis avait déjà fait l’objet de tentatives d’adaptation. Luis Bunuel et Jean-Claude Carrière avaient écrit un scénario ironique et subversif  qui a fini par être mis en scène (de façon assez brouillonne) par Ado Kyrou. On n’en retient qu’une bonne scène, dans laquelle des joueurs de golf s’entraînent en frappant des têtes de poulets enterrés jusqu’au cou.De son côté, Dominik Moll a élagué pas mal d’intrigues secondaires et se concentre sur le personnage d’Ambrosio pour raconter l’histoire d’un idéal déçu, ou comment la nature reprend ses droits sur l’esprit.Le problème, c’est que le film adopte le point de vue d’Ambrosio.  Au bout de trop longtemps (le film est très lent), lorsque les choses se précipitent , elles sont filmées vraiment comme s’il fallait croire la même chose que ce moine qui pratique l’ascèse au point d’en avoir des hallucinations, sans compter qu’à force d’abstinence , la pression doit lui monter naturellement à la tête. Il y a donc une explication parfaitement rationnelle à son comportement aberrant, mais le film affirme que ce qu’Ambrosio croit voir existe vraiment. La scène du rameau qui prend feu spontanément et guide Ambrosio sur les lieux de son forfait fait un pas de trop dans ce sens. Dans le rôle principal, Vincent Cassel est étrangement sobre, et on sent bien qu’en le retenant, Moll a voulu éviter les débordements. Mais trop de nuance brouille le message.  Le problème du Moine, c’est que son sujet nécessitait de choisir franchement son camp. En adoptant la voie du milieu, le film rate son coup, trahit le style gothique du roman, et manque cruellement de cruauté. Il risque même de passer pour un film catho.