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Le créateur de Metal Gear Solid est tombé amoureux du film de Damien Chazelle.

Ne cherchez pas : La La Land (qui sort le 25 janvier) est le premier événement cinéma de 2017 : le deuxième long-métrage de Damien Chazelle (Whiplash) a triomphé aux Golden Globes, cartonne aux Etats-Unis et se prépare à faire une razzia aux Oscars. Il fait aussi (ding dong ! Pub!) la couverture du dernier numéro de Première, actuellement en kiosques, dans lequel on trouve une interview de Chazelle... Et hier, le fameux Hideo Kojima a publié une lettre d'amour au film de Chazelle. Le créateur de Metal Gear Solid, qui s'est toujours vu comme un cinéaste, est en train de finir le jeu d'horreur Death Stranding dans lesquels se trouvent Mads Mikkelsen et son grand copain Guillermo Del Toro (avec qui il prévoyait un reboot de Silent Hill). Et, franchement, si sa lettre à La La Land ne vous donne pas une furieuse envie de vous précipiter en salles, et bien... Tant pis pour vous. Par contre, il risque bien d'avoir quelques spoilers dans le texte, alors méfiez-vous.

Au sommaire du nouveau Première : La La Land, Martin Scorsese, Omar Sy, Dix pour cent, Guillaume Canet…

Voilà la lettre de Kojima, traduite d'une version anglaise disponible ici :

« "Qui sommes-nous ? Et au fond, c'est quoi Hollywood ? Juste des gens qui viennent de plein d'endroits différents." Ces mots, qui ont été prononcés par Meryl Streep en recevant le trophée Cecil B. DeMille aux dernier Golden Globes, étaient un rappel de l'importance et de la piuissance des arts -la puissance des films pour lutter contre la véritable violence du monde. "Hollywood est bourré d'étrangers et de marginaux, et si on les chasse tous, on ne verra plus que du foot et des arts martiaux mixtes, qui ne sont pas des arts."

Mais quel pouvoir les films détiennent sur nous ? Quel pouvoir ont les rêves ? Je crois que j'ai trouvé la réponse dans La La Land.

Le film s'ouvre sur une énergique scène musicale qui évoque le grand désordre des autoroutes de Los Angeles, et, grâce à sa musique réjouissante et ses couleurs pétillantes, j'ai été immédiatement séduit par sa magie. Ce genre de scènes d'ouverture, vibrantes et extravagantes, rappelle de façon puissante l'âge d'or des comédies musicales d'après-guerre comme Un Américain à Paris, Chantons sous la pluie ou Tous en scène.

On trouve rarement ce genre de scène, très composée, dans les films hollywoodiens actuels. L'effet est brillant. Cela établit mmédiatement qu'il ne s'agit pas du Los Angeles réel, mais qu'il s'agit d'un monde onirique complètement fantaisiste où les fantasmes de cinéma et le rêve américain marchent main dans la main. C'est ici qu'un pianiste de jazz débutant (Ryan Gosling) et une actrice pleine d'espoir (Emma Stone) se rencontrent, tombent amoureux et recherchent leur rêve ensemble. C'est un conte classique, doux-amer, bouleversant et je crois que tout le monde peut s'y reconnaître.

Cette vision de Los Angeles comme une terre de rêves est évoquée à travers quatre saisons, et au fur et à mesure du temps qui passe, les deux amants se rapprochent, affrontent des épreuves, et petit à petit sont prêts à réaliser leurs rêves. A chaque étape vers leur objectif, les couleurs vibrantes du monde de fantaisie disparaissent peu à peu. Le rêve devient réalité et le véritable LA apparaît. L'effacement des couleurs du monde signifie que les rêves ne peuvent pas se réaliser sans sacrifice. Mais alors que reste-t-il après ? La simple et inoffensive réalité ? Je ne crois pas, et je crois que c'est là le vrai message du film.

En racontant le voyage de ces deux personnages, le film amène le public à réaliser que nous ne sommes pas dans une terre de rêves, après tout. A la fin, nous voyons le personnage d'Emma Stone conduire une voiture sur l'autoroute, et revenir vers LA, et c'est à nous d'imaginer ce qui l'attend là-bas.

Les comédies musicales -qui sont, je crois, l'incarnation du rêve hollywoodien- ont commencé à disparaître à la fin des années 60. L'Amérique était jusqu'au cou dans la guerre du Vietnam, et le cinéma classique a fait place au Nouvel Hollywood, mais ce changement ne signifiait pas la fin du cinéma. Les comédies musicales ont beau avoir quasiment disparu, les films continuent à nous montrer de nouveaux rêves. Si La La Land n'était qu'un simple remake d'un film sur l'âge d'or d'Hollywood qui évoque le passé idéologique de l'Amérique, je l'aurai sans doute ignoré. Mais il m'a embarqué car il file sur l'autoroute des rêves à travers le vrai LA avant de foncer vers un nouveau rêve.

En tant que spectateur, La La Land nous montre le bon et le mauvais côté à la fois de la création et de la vision d'un film, ou d'avoir un rêve et de le transformer en réalité. C'est pour cela que je ressens le besoin de le revoir, encore et encore. C'est l'histoire, très actuelle, d'un rêve éveillé, quel seul un film pouvait illustrer. »

Bande-annonce de La La Land :