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Rencontre avec l'acteur et producteur de Dans la forêt, vraie réussite du genre.

Dans la forêt sort aujourd'hui en salles et c'est une vraie réussite qui a collé les miquettes à notre critique (la preuve ici). On a rencontré Jérémie Elkaïm, qui joue un père aux idées tordues qui emmène ses enfants dans la forêt suédoise pour accomplir un mystérieux objectif... L'acteur de La Guerre est déclarée est également producteur d'un film radicalement fantastique -un choix plutôt audacieux quand on voit la misère du genre en France, quantitativement et qualitativement parlant.

Critique de Dans la forêt : petit film, grosse angoisse

Vous êtes acteur et producteur de Dans la forêt. Pas trop compliqué de gérer les deux casquettes ?
J'étais d'abord producteur avant de jouer dans le film. Gilles Marchand et Dominik Moll avaient écrit les deux tiers du film. Au même moment, Valérie Donzelli et moi on était en train de monter notre boîte de production et on cherchait des projets pas trop onéreux qu'on pouvait accompagner. Ca nous excitait d'être à tous les stades de la fabrication d'un film. C'est un vrai sacerdoce. On ne produit pas des films, on produit des gens. C'est un boulot autant humain que financier. C'est Gilles qui prenait un risque en nous choisissant comme producteurs plutôt que nous qui prenions un risque. Il est facile à produire. Il connaît le cinéma, son système de fabrication.

Mais donc, le film n'était pas complètement écrit quand vous l'avez lancé...
Non. Il restait à boucler le script : j'ai accompagné Gilles en Suède pour trouver le décor. On a parlé aide au financement, il y a eu l'idée de co-produire... Le désir d'aller en Scandinavie ou en Suède était là dès le départ. Et puis Gilles a voulu rajeunir mon personnage. Il était plus âgé dans le script d'origine, et me voilà à passer des essais. Ca m'a un peu désinvesti de mon rôle de producteur. Pendant le tournage, on a décidé que j'allais abandonner ce poste pour me concentrer sur mon rôle.

Donc vous avez passé le casting de votre propre film.
C'est ça. Ce qui est intéressant, c'est que je joue un père relativement jeune qui a déjà de grands enfants. J'ai eu des enfants très jeune. Je ne sais pas si ça n’a pas influencé Gilles... Et puis j'aime bien me nourrir de vraies choses. Je ne suis pas aussi dysfonctionnel que mon personnage, mais je trouve que le film parle de quelque chose de très important : de la transmission de parent à enfant. Il veut leur transmettre un idéal, il leur propose un dénuement total, une forme de pureté... C'est assez noble, au fond.

Le film assume pleinement son côté fantastique.
Oui, mais ça reste un pari : c'est hyper dur de continuer à captiver le spectateur quand tu fais le pari d'être fantasmagorique, de ne pas dire "bon, OK, là on va tout vous expliquer, voilà le fin mot de l'histoire"... En tant que spectateur j'aime l'idée qu'on mette de l'humanité dans la monstruosité, par exemple dans le personnage du père (NDLR : qui n'est jamais nommé, d'ailleurs).

Vous ne dites pas "fantastique" mais "fantasmagorique"...
Oui, parce que pour moi le film ne tranche pas sur sa nature alors que le glissement fantastique est quelque chose d'objectivé. Je ne veux pas trop qu'on parle de la fin du film, mais ici il y a clairement un doute. Une ambiguité. Et c'est ça qui me plaît, ici. On n'est pas une bande de jeunes paumée dans une cabane dans les bois avec un monstre. Il y a une histoire du fantastique en France, avec Franju, Cocteau... Il faut la cultiver. Je crois que c'est ce que l'on fait, ici.

En fait, vous jouez un personnage secondaire.
Tout à fait. On reste du point de vue de Tom. Pour moi, il s'agissait de se laisser dépasser par l'angoisse et le mal-être du personnnage plutôt que de le jouer à 100%. Il devient toxique mais il est quand même vachement fort avec ses gamins. C'est un père qui essaie de faire au mieux. C'est particulier, la relation père/fils. Le film m'intéresse autant en tant qu'enfant qu'en tant que parent.

Le coin de Suède où vous avez tourné est aussi paumé que ce qu'on en voit à l'écran ?
Pas autant, mais pas mal paumé quand même. C'est à trois heures de Göteborg et on doit rouler dans la forêt pendant des kilomètres, on a l'impression d'être dans Twin Peaks. Des lacs et des arbres, c'est tout. L'alternance a inspiré la dernière partie du film où le père trimballe la barque de lac en lac, comme dans une sorte de mini-Fitzcarraldo, ou The Swimmer avec Burt Lancaster, tu sais le film où il essaie d'aller vers l'Ouest en nageant dans les piscines américaines... Au départ je faisais le malin et je tirais la vraie barque, mais j'étais sur les rotules à la fin de chaque prise. Ils m'ont construit un modèle plus léger. Je faisais pas le malin. (rires)

Bande-annonce de Dans la forêt :