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Le premier long métrage de Joyce A. Nashawati fait de la Grèce un paysage mental sensoriel, avec la lumière pour héroïne. Un cauchemar aveuglant.

En Grèce, dans un futur proche. Ashraf, un immigré, doit garder seul la maison de Français fortunés pendant quelques jours. Alors qu’un policier vient de lui confisquer ses papiers, ses repères vacillent.

Dehors, la fournaise. Des chiens errants, de la poussière, un enfer méditerranéen où l’eau manque, les incendies se multiplient et la population désargentée gronde, assoiffée. À l’intérieur, les riches se barricadent. Mais le calme apparent, sécurisé et climatisé de la villa surveillée par Ashraf laisse progressivement place à des visions angoissantes. Réel danger ou simples bouffées paranoïaques dues à un coup de chaud ? Le doute subsiste jusqu’au bout dans ce cauchemar caniculaire, où, à l’instar de Shining de Kubrick ou de Pique-nique à Hanging Rock de Peter Weir, l’inquiétude émane non pas de l’obscurité, mais de la lumière.

Captée par Yórgos Arvanítis, le chef opérateur de Theo Angelopoulos, pourtant habitué aux tons gris, elle est ici jaune vif, aveuglante, troublante et organique. Cette présence solaire découpe des ombres menaçantes et distille une inquiétante étrangeté dans les paysages mentaux imaginés par la jeune cinéaste Joyce A. Nashawati. Entre l’efficacité « B » du film de genre et l’élégance arty du trip aux échos politiques (le péril du migrant à l’ère du capitalisme sauvage), ce premier long métrage happe la rétine avec son onirisme sec, obsessionnel, et nous fait basculer avec délectation de l’autre côté du miroir. Lumineuse révélation.

Blind Sun est déjà dans les salles.