Barry Gifford auteur prolifique et scénariste occasionnel pour David Lynch (Sailor et Lula, Lost Highway) a débuté sa carrière en publiant Le livre de Jack, un recueil de témoignages sur Kerouac. Le livre a servi de bible à Walter Salles qui a engagé Gifford comme consultant sur son film. Appelé au téléphone, l’écrivain s’explique. Comment est né Le livre de Jack ? Au depart, ça devait être un documentaire radio. Mon partenaire Lawrence Lee, qui travaillait pour une grosse station de radio à San Francisco m’a contacté parce que je connaissais beaucoup des personnes qui avaient servi de modèle à Kerouac pour écrire Sur la route. Il s’agissait de rencontrer ces personnes, si elles étaient disponibles, pour diffuser leurs témoignages à la radio. Très vite, je me suis rendu compte que nous avions de quoi remplir un livre. Mais je ne voulais pas d’une biographie conventionnelle. D’où l’idée d’un documentaire chronologique qui utiliserait les voix des gens dont Jack s’était inspiré. Ce fut particulièrement difficile de convaincre les éditeurs new-yorkais, mais on a fini par y arriver. Et le livre continue à être édité depuis 35 ans dans je ne sais combien de pays. Walter Salles s’en est servi comme d’une bible.Quelle est votre implication dans le film? Initialement, j’avais écrit le script de Sur la Route pour Coppola, en 1995. Francis allait le produire et Gus Van Sant devait le réaliser, jusqu’à ce que Francis se retire parce qu’il avait des difficultés sur un autre de ses projets. Beaucoup plus tard, Walter Salles est allé voir Francis et lui a fait part de son désir d’adapter Sur la route. Mais Francis ne voulait pas le financer. Salles a donc obtenu l’argent par MK2, et voilà. Il a travaillé avec son co-scénariste, José Rivera, mais il voulait aussi utiliser des éléments de mon travail. Il m’a appelé et m’a proposé d’être consultant créatif. J’ai rejoint la production  à Montréal pour travailler avec les acteurs, et les aider dans la construction  des personnages. Ils étaient vraiment très bons, enthousiastes, jeunes… je les ai tous beaucoup appréciés.Kristen Stewart en particulier, qui joue le personnage de Louanne, la première femme de Neal Cassidy. Elle s’est beaucoup servi des enregistrements audio (qui viennent de l’université du Texas, où les originaux sont conservés). Ces enregistrements se sont avérés très utiles. Et notre approche était unique, elle combinait l’utilisation des vraies voix et des retranscriptions, le tout lié par un ciment narratif que nous avions écrit. Ainsi, l’histoire est racontée de façon très vivante et animée.Que représentait Kerouac pour vous ? Quand j’ai lu Sur la route pour la première fois, j’avais douze ans et demi. Pour moi comme pour beaucoup d’autres, c’était l’expression d’une forme de liberté possible, l’idée de partir et de faire l’expérience de la vie telle qu’elle est vraiment. Beaucoup de gens n’ont pas compris le livre, y compris Francis, qui n’a pas même  saisi que l’histoire se déroulait dans les années 1940. En fait, Sur la route parle des changements sociaux en Amérique à la suite de la seconde guerre mondiale ! Cela combiné au thème de l’héritage père/ fils, de la recherche du père. Ca avait beaucoup de sens pour moi, qui étais aspirant écrivain. Mais je distingue Kerouac du reste de la Beat Generation, je pense qu’il se rattachait davantage à la tradition de Céline, Thomas Wolf, Theodore Dreiser. Il avait une vision plus étendue, ainsi que cette conscience un peu désuète de ce que ça signifie d’être un romancier.Propos recueillis par Gérard DelormeBande annonce : Suivez toute l'actu cannoise sur notre dossier spéciale avec Orande Cineday