Antonio Banderas et Pedro Almodovar scellent leurs retrouvailles avec La Piel que habito. Interview de l'acteurAprès des années passées à défourailler dans des productions hollywoodiennes de qualité décroissante, Antonio Banderas renaît dans La piel que habito, le dernier film de son ex-mentor Pedro Almodóvar. Il y interprète un machiavélique chirurgien avec une placidité qu’on ne lui connaissait pas. Antonio is back !Par Christophe Narbonne Quelle a été votre réaction en lisant le scénario ?J’ai été à la fois surpris et emballé par la façon dont Pedro a finalement choisi de raconter l’histoire. En renonçant à toute linéarité et en jouant sur la temporalité, il a signé une adaptation fantastique, complètement différente de son idée initiale. La première partie soulève beaucoup de questions : pourquoi cette femme est-elle enfermée ? Quelle est la nature de sa relation avec ce chirurgien ? L’a-t-il kidnappée, violée ? Est-elle vraiment une victime ? La seconde apporte des réponses terribles. Pedro joue sans cesse avec l’interprétation qu’on peut se faire des choses, dévoile l’immoralité de tous les personnages… On n’a jamais d’opinion arrêtée. C’est fascinant.Le docteur Ledgard est très différent de vos précédents rôles chez Almodóvar. Comment l’avez-vous abordé ?Pedro nous a proposé de venir à Madrid deux mois avant le début du tournage pour des répétions. Même au théâtre, on ne bénéficie pas d’autant de préparation. J’ai compris pourquoi : il voulait tester l’histoire, voir les scènes, les modifier, changer leur ordre, enlever des répliques, en ajouter... Quand vous devez interpréter un personnage « bigger than life », que l’histoire touche presque à la science-fiction, il est tentant d’aller vers le baroque. Pedro m’a demandé strictement l’inverse. Le monde de Ledgard est celui de la perfection, tout son être est sous contrôle. Il fallait en faire le moins possible. Mon cher ami avait encore raison.Pedro nous a confié que vous aviez aujourd’hui la présence physique nécessaire au rôle. Auriez-vous pu le jouer il y a vingt ans ?Probablement pas. En apparence, il n’y a rien de compliqué dans ce personnage très méthodique et posé, sauf que c’est tout le contraire de moi ! Regardez comment je bouge mes mains en permanence... Sur le plateau, je devais me répéter sans cesse, « calme-toi, tu poses de la peau, sois précis, tu es juste un docteur. » J’aurais été incapable d’un tel contrôle à trente ans. Je précise que toute l’équipe du film était, comme moi, hyper concentrée. La mise en scène ressemble elle-même à Ledgard : propre et géométrique. Limite nazie ! Un ami Argentin m’a toujours dit de me méfier des gens qui possèdent de beaux jardins (rires)...Les gens qui imaginent revoir le Banderas lubrique et dingo des premiers Almodovar vont être déçus !Dieu merci, 22 ans ont passé ! Je ne suis plus le même homme, ni le même acteur. Quand je me suis vu dans le film, j’ai été surpris de constater que je pouvais explorer de nouveaux territoires. Je tiens néanmoins à rassurer vos lecteurs : La piel que habito est du pur Almodóvar. Malgré les années, il ne s’est jamais dévoyé, n’a jamais épousé le goût du public. En regardant ses films, on a à chaque fois l’impression d’escalader une montagne et, arrivé en haut, on se dit : « Mon Dieu, il veut qu’on saute, maintenant ? Mais il y a peut-être des rochers en bas ! » Découvrez l'interview intégrale de Antonio Banderas dans le dernier numéro de Premiere